Pollution atmosphérique: les effets sanitaires, loin d’être une fatalité
Le 05 mai 2015 par Romain Loury
Jusqu'à 80% de mortalité en moins?
En Europe, limiter les émissions de gaz polluants aura des effets très bénéfiques sur la santé des populations. Selon une étude danoise présentée mardi 5 mai à Montpellier, les effets chroniques de la pollution pourraient diminuer jusqu’à 80%, même en tenant compte du réchauffement climatique.
En 2012, la pollution atmosphérique a entraîné 482.000 décès prématurés dans les 53 pays de la zone Europe définie par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), avec un coût estimé à 1.430 milliards d’euros en 2010. Dans quel sens ces chiffres évolueront-t-ils? Difficile de prévoir l’avenir, tant les incertitudes sont nombreuses en matière d’émission futures et d’effet du réchauffement sur la santé. C’est ce à quoi se sont essayés Camilla Geels, du département des sciences de l’environnement de l’université d’Aarhus (Danemark), et ses collègues.
Présentée lors du 34ème congrès ITM, qui a débuté lundi 4 mai à Montpellier, l’étude ne prend en compte que les scénarios RCP4.5 du Giec. Ces scénarios évaluent les effets de politiques de lutte contre le changement climatique moyennement ambitieuses: en résumé, un réchauffement qui bondirait de 3°C à 4°C d’ici à 2100 [1]. Les chercheurs se sont concentrés sur l’ozone et le dioxyde de soufre pour les effets aigus de la pollution, sur les particules PM2.5 et les aérosols inorganiques secondaires (nitrates, sulfates, ammoniac) pour la toxicité chronique.
Recourant au modèle mathématique EVA (Economic Valuation of Air Pollution), l’équipe estime que les effets chroniques de la pollution sur la mortalité pourraient diminuer de 60% à 80% d’ici à 2080 si l’on parvenait à se conformer aux RCP4.5. La toxicité aigüe, dont la mortalité équivaut à environ 5% à 10% de celle liée aux effets chroniques de la pollution, serait aussi en baisse.
Le climat, un risque compensé
Ce modèle EVA permet de tenir compte non seulement des émissions polluantes en elles-mêmes, mais aussi du climat. Selon les chercheurs, la hausse de température pourrait augmenter la mortalité de 10% à 20%, mais cet effet serait aussitôt annulé par la baisse des émissions. Le résultat n’est pas sans évoquer une récente étude de l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris), selon laquelle lutter contre le réchauffement climatique apporterait un bénéfice supplémentaire à la gestion de la qualité de l’air (voir le JDLE).
Interrogée par le JDLE, Camilla Geels souligne les nombreuses incertitudes quant aux effets du changement climatique sur les polluants. A température croissante, on peut s’attendre à une hausse des émissions biogéniques de composés organiques volatiles, ainsi qu’à une accélération des transformations chimiques. Le sujet est toutefois complexe, du fait qu’une hausse des précipitations pourrait à l’inverse diminuer la teneur en particules fines, explique la chercheure.
Le benzopyrène à la hausse
Egalement présentée mardi matin lors du congrès ITM, une étude menée par l’université de Murcie (Espagne) se montre moins optimiste quant aux émissions de benzopyrène, l’un des principaux hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP). En modélisant l’effet du réchauffement, ses auteurs révèlent que ce polluant pourrait connaître une hausse d’environ 15% dans les régions où il est déjà très présent, en comparant la période 2031-2050 à la période 1991-2010.
Parmi celles-ci, l’Ukraine, l’ouest de la péninsule ibérique, certaines zones des Pays-Bas, d’Allemagne, d’Italie et de Pologne. Selon les chercheurs, la vallée de la Ruhr et les Pays-Bas pourraient ainsi dépasser le seuil de 0,1 ng/m3 d’air, au-dessus duquel le benzopyrène accroît le risque de cancer du poumon de 1 cas pour 100.000 personnes. L’Ukraine resterait toutefois la seule région d’Europe au-dessus de 1 ng/m3, avec un risque de cancer du poumon de 1 cas pour 10.000.
[1] ITM: International Technical Meeting on Air Pollution Modelling and its Application. Giec: Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.
http://www.journaldelenvironnement.net/article/pollution-atmospherique-les-effets-sanitaires-loin-d-etre-une-fatalite,58303?xtor=EPR-9
En 2012, la pollution atmosphérique a entraîné 482.000 décès prématurés dans les 53 pays de la zone Europe définie par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), avec un coût estimé à 1.430 milliards d’euros en 2010. Dans quel sens ces chiffres évolueront-t-ils? Difficile de prévoir l’avenir, tant les incertitudes sont nombreuses en matière d’émission futures et d’effet du réchauffement sur la santé. C’est ce à quoi se sont essayés Camilla Geels, du département des sciences de l’environnement de l’université d’Aarhus (Danemark), et ses collègues.
Présentée lors du 34ème congrès ITM, qui a débuté lundi 4 mai à Montpellier, l’étude ne prend en compte que les scénarios RCP4.5 du Giec. Ces scénarios évaluent les effets de politiques de lutte contre le changement climatique moyennement ambitieuses: en résumé, un réchauffement qui bondirait de 3°C à 4°C d’ici à 2100 [1]. Les chercheurs se sont concentrés sur l’ozone et le dioxyde de soufre pour les effets aigus de la pollution, sur les particules PM2.5 et les aérosols inorganiques secondaires (nitrates, sulfates, ammoniac) pour la toxicité chronique.
Recourant au modèle mathématique EVA (Economic Valuation of Air Pollution), l’équipe estime que les effets chroniques de la pollution sur la mortalité pourraient diminuer de 60% à 80% d’ici à 2080 si l’on parvenait à se conformer aux RCP4.5. La toxicité aigüe, dont la mortalité équivaut à environ 5% à 10% de celle liée aux effets chroniques de la pollution, serait aussi en baisse.
Le climat, un risque compensé
Ce modèle EVA permet de tenir compte non seulement des émissions polluantes en elles-mêmes, mais aussi du climat. Selon les chercheurs, la hausse de température pourrait augmenter la mortalité de 10% à 20%, mais cet effet serait aussitôt annulé par la baisse des émissions. Le résultat n’est pas sans évoquer une récente étude de l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris), selon laquelle lutter contre le réchauffement climatique apporterait un bénéfice supplémentaire à la gestion de la qualité de l’air (voir le JDLE).
Interrogée par le JDLE, Camilla Geels souligne les nombreuses incertitudes quant aux effets du changement climatique sur les polluants. A température croissante, on peut s’attendre à une hausse des émissions biogéniques de composés organiques volatiles, ainsi qu’à une accélération des transformations chimiques. Le sujet est toutefois complexe, du fait qu’une hausse des précipitations pourrait à l’inverse diminuer la teneur en particules fines, explique la chercheure.
Le benzopyrène à la hausse
Egalement présentée mardi matin lors du congrès ITM, une étude menée par l’université de Murcie (Espagne) se montre moins optimiste quant aux émissions de benzopyrène, l’un des principaux hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP). En modélisant l’effet du réchauffement, ses auteurs révèlent que ce polluant pourrait connaître une hausse d’environ 15% dans les régions où il est déjà très présent, en comparant la période 2031-2050 à la période 1991-2010.
Parmi celles-ci, l’Ukraine, l’ouest de la péninsule ibérique, certaines zones des Pays-Bas, d’Allemagne, d’Italie et de Pologne. Selon les chercheurs, la vallée de la Ruhr et les Pays-Bas pourraient ainsi dépasser le seuil de 0,1 ng/m3 d’air, au-dessus duquel le benzopyrène accroît le risque de cancer du poumon de 1 cas pour 100.000 personnes. L’Ukraine resterait toutefois la seule région d’Europe au-dessus de 1 ng/m3, avec un risque de cancer du poumon de 1 cas pour 10.000.
[1] ITM: International Technical Meeting on Air Pollution Modelling and its Application. Giec: Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.
http://www.journaldelenvironnement.net/article/pollution-atmospherique-les-effets-sanitaires-loin-d-etre-une-fatalite,58303?xtor=EPR-9