Les bioindicateurs





Un bioindicateur est un indicateur constitué par une espèce végétale, fongique ou animale ou par un groupe d'espèces (groupe éco-sociologique) ou groupement végétal dont la présence ou l'état renseigne sur certaines caractéristiques écologiques (c'est-à-dire physico-chimiques, microclimatique, biologiques et fonctionnelle) de l'environnement ou sur l'incidence de certaines pratiques.

L'idée selon laquelle la qualité du paysage et la richesse en certaine espèces végétales ou animales indique une qualité globale de l'environnement n'est pas nouvelle. J. Perrève, ancien procureur du roi et juge, écrivait en 1845 : « La nature a planté sur tous les sites du globe les végétaux propres à la nourriture de ses habitants ; et de la richesse du règne végétal dépendent privativement toutes les existences animales». Il établissait clairement un lien de dépendance de la faune à la flore.

L'utilisation rationnelle et scientifique de la bioindication est cependant récente, avec notamment la bioévaluation environnementale (suivi de l'état de l'environnement, ou de l'efficacité de mesures compensatoires ou restauratoires).



Principes



Le principe est d'observer des effets biologiques ou écosystémiques, au niveau de l'individu et/ou de populations ou écosystèmes (à l'échelle de la biosphère ou de grands biomes éventuellement).


Ces effets doivent être mesurables via l'observation de divers degrés d'altérations morphologiques, comportementales, tissulaires ou physiologiques (croissance et reproduction), conduisant dans les cas extrêmes à la mort de ces individus ou à la disparition d'une population.


Chaque plante possède un biotope primaire. On sait par exemple que :

Le mouron des oiseaux pousse plutôt sur des sols équilibrés, alors que l'ambroisie prolifère sur des sols déstructurés ou salés (puisque son biotope primaire est constitué de régions arides où le sol est déstructuré et où le sel remonte souvent) ;

Le lichen est un bioindicateur efficace de certaines pollutions de l'air dans une forêt ou une ville. D'autres indicateurs chercheront à mesurer les effets sur la biodiversité de la gestion (ou non gestion) des milieux naturels ;

La petite oseille (Rumex acetosella) indique des sols très pauvres en argile et en humus, très secs, très peu fertiles alors que la grande oseille (Rumex acetosa) indique des sols équilibrés, très fertiles.

 

Propriétés d’un bon bioindicateur



Il doit être suffisamment (normalement ou anormalement) répandu sur le territoire concerné, y être relativement abondant et si possible facilement détectable.

Sauf dans le cas où l'on veut mesurer la mobilité d'espèces, il doit être le plus sédentaire possible pour refléter les conditions locales.

Il doit avoir une taille rendant possible l’étude de ces différents tissus et de leurs composantes (muscles, os, organes dans le cas d'un animal…).

Il doit tolérer les contaminants avec des effets sub-létaux.

Il doit survivre hors du milieu naturel et tolérer différentes conditions de laboratoires (pH, température…).

Une relation entre la concentration en contaminants dans le milieu externe et la concentration dans l’organisme doit exister.


Certains bioindicateurs sont aussi des biointégrateurs ; ils peuvent être doublement utiles dans le cadre de programmes de biosurveillance.

 
 

Bio-surveillance de la qualité de l'air



La bioindication relative à la qualité de l'air est l'utilisation d'organismes sensibles à un polluant donné présentant des effets visibles macroscopiquement ou microscopiquement, afin d'évaluer la qualité de l'air. Celle-ci fournit une information semi-quantitative sur la contamination atmosphérique et permet d'apprécier directement les impacts environnementaux des polluants.

L'observation d'organismes bioindicateurs complète généralement les dispositifs de mesures automatiques ou orientent les choix de molécules à analyser.

 Chaque espèce de lichen a une sensibilité propre à certains polluants et à une certaine dose de ce polluant (SO2 par exemple), ce qui leur confère un intérêt particulierLes lichens (organisme résultant d'une symbiose algue-champignon) se développent sur divers substrats (sol, écorces, toits, pierres, etc.). Ils réagissent à des doses très faibles de certains polluants (acides notamment) bien avant les animaux et bien avant que les pierres des monuments ne soient dégradées. Chaque espèce de lichen résiste à un taux spécifique de pollution. Quelques espèces profitent d'un enrichissement de l'air en azote. L'observation de populations de lichens permet ainsi de suivre l'évolution de certaines pollutions au fil du temps. En forêt, la disparition des lichens peut indiquer des taux élevés de dioxyde de soufre, la présence de fongicides dans la pluie, ou de polluants à base de soufre et d'azote.


Les bryophytes (mousses) sont utilisés pour la biosurveillance en Europe des retombées métalliques ou radioactives, en tant qu'accumulateurs de métaux ou radionucléides, et pour étudier les niveaux dits de « fond », avec en France le dispositif BRAMM (Biosurveillance des retombées atmosphériques métalliques par les mousses), qui cartographie sur 15 ans au moins les évolutions de teneurs en éléments métalliques et azote en France métropolitaine, en milieu rural et forestier. Quatre campagnes (1996, 2000, 2006 et 2011) ont été menées, sur près de 500 sites de collecte. Une lacune de donnée pour le nord du pays est due à la régression des mousses utilisées par le protocole. Ce travail complète le réseau Atmo français de surveillance de l'air et s'inscrit dans le dispositif MERA (MEsure des Retombées Atmosphériques) qui est la part française du réseau européen EMEP (suivi des pollutions atmosphériques longue distance et trans-frontières). Il s'inscrit aussi dans un programme européen de suivi des métaux dans les mousses (UNECE-LRTAP) Programme International Concerté (PIC) relatif aux « effets de la pollution atmosphérique sur la végétation naturelle et les cultures » de la Commission économique pour l'Europe des Nations unies dans le cadre de la Convention de Genève.
 

Le trèfle et le tabac permettent de qualifier et quantifier la teneur de l'air en ozone.


 L'abeille est un bioindicateur intéressant de l'environnement proche et périphérique, car elle butine dans un rayon de 3 km environ autour de sa ruche
 
L'abeille est utilisée depuis peu et a fait ses preuves en tant que bioindicateur. Elle butine, se pose sur le sol et boit de l'eau, ce qui lui confère le rôle de témoin de la qualité environnementale globale. Une étude récente sur l'utilisation de l’abeille pour caractériser le niveau de contamination de l’environnement par les xénobiotiques a montré que les abeilles peuvent être utilisées pour caractériser le niveau de contamination de l’environnement et en particulier pour les métaux lourds, les HAP et les PCB. Elles ont également été utilisées lors d'accidents industriels, par exemple lors de l'accident de Tchernobyl, pour détecter la présence de radio-isotopes.

 
 

Bio-surveillance de la qualité de l'eau



La bioindication relative à la qualité de l'eau est l'utilisation d'organismes sensibles à un polluant donné présentant des effets visibles macroscopiquement ou microscopiquement, afin d'évaluer la qualité de l'eau. Celle-ci fournit une information semi-quantitative sur la contamination du milieu aquatique et permet d'apprécier directement les impacts environnementaux des polluants.

Les amphibiens, les odonates et les invertébrés benthiques sont couramment utilisés pour la bio-évaluation de la qualité des zones humides ou des eaux et sédiments.

Certains invertébrés benthiques sont de très bons bio-indicateurs de la qualité des eaux douces et peuvent aussi spécifiquement être étudiés pour l'évaluation des concentrations en différents métaux ou de certains polluants organiques. Il est alors important de déterminer la voie d’entrée du contaminant dans l’organisme. Les individus peuvent absorber les métaux à partir de l’eau directement via leurs branchies et/ou à travers l’alimentation par l’ingestion de proies. L’importance relative d’une voie d’entrée varie selon les espèces et les contaminants étudiés et peut être obtenue en soumettant le bio-indicateur à différents traitements de présence du contaminant dans l’eau ou les aliments seulement.


Dans un organisme, certains organes tels que les reins ou le foie sont d'importants lieux d'accumulation de métaux lourds ou d'autres polluants chez les poissons notamment. Les métaux pénétrant dans un organisme peuvent être absorbés par des métalloprotéines qui détoxifient les milieux cellulaires. Elles sont produites en présence du contaminant et sont à la base du mécanisme de régulation. Les lysosomes et les granules cellulaires peuvent aussi servir à séquestrer ces métaux. Les mécanismes varient selon les bio-indicateurs et les contaminants étudiés. Les plus récentes études permettent de connaître la partition subcellulaire des métaux dans un tissu particulier (foie, branchies, intestins), autant de données qui apportent des informations sur la nature des polluants d'un milieu et sur la durée et le degré d'exposition à ces polluants pour les espèces d'un écosystème donné. La présence de mutations, plaies, parasitoses ou dégénérescences apportent des informations complémentaires qui intéressent aussi l'écotoxicologue et l'écologue.

 
Les mollusques sont aussi très largement utilisés comme bioindicateurs, que ce soit pour les milieux d'eau douce ou les milieux marins côtiers. La structure de leur population, leur physiologie, leur comportement et les niveaux d'accumulation de différents contaminants dans leurs tissus peuvent donner des informations très importantes sur l'état de santé d'un milieu et son niveau de contamination. Ils sont particulièrement utiles car ils sont sessiles et donc caractéristiques du lieu où on les trouve ou on les implante. Parmi les applications les plus connues, on peut citer l'imposex ou le Mussel Watch Programme américain qui sont de très bonne exemples de ce qu'on peut retrouver aujourd'hui dans différents pays.




En savoir plus...

Le programme ADEME : “Bioindicateurs de qualité des sols” (PDF)

Bio-indicateur de la qualité des sols basés sur l’étude des peuplements de macro-invertébrés (PDF)

Utilisation et intérêt des escargots et des micromammifères pour la bioindication de la qualité des sols (PDF)

Quels bioindicateurs, pour quels besoins en sites contaminés ? (PDF)

Des fiches-outils vous donnent un ensemble de détails scientifiques et techniques permettant de faciliter la mise en oeuvre des bioindicateurs.
Vous pouvez les télécharger ci-dessous en format pdf.

Bioindicateurs faunistiques
Les escargots
Les vers de terre
La nématofaune
Les microarthropodes du sol
Expression génique de la métallothionéine chez les vers de terre
Les micromammifères


Bioindicateurs floristiques
Indice Oméga 3
Les communautés végétales
Fonctionnement des systèmes photosynthétiques


Bioindicateurs microbiologiques
Les activités enzymatiques
Respirométrie Oxitop
Outils moléculaire pour diagnostiquer l'état microbiologique du sol
Biomasse moléculaire microbienne du sol
Empreinte moléculaire des communautés microbiennes du sol
Diversité taxonomique microbienne (pyroséquençage)
Diversité métabolique potentielle
Biomasse moléculaire fongique estimée par la quantification de l'ergostérol
Biomasse moléculaire fongique estimée par la quantification des ADNr 18S


https://ecobiosoil.univ-rennes1.fr/ADEME-Bioindicateur/index.php (lien vers le site)


Bio-indicateurs - Eau et Rivières de Bretagne (PDF)

Utilisation des bio-indicateurs pour la surveillance des émissions et des risques (PDF)