" La réglementation sur la qualité de l'air doit changer ", Christophe Najdovski, adjoint au maire de Paris
le 24/03/2015 à 19:50
Quels enseignements tirez-vous de l’épisode de pollution de l’air qui vient de toucher la région parisienne ?
J’en retiens tout d’abord que nous n’avons pas eu la réactivité nécessaire pour agir en temps voulu. Malgré nos demandes répétées auprès de l’Etat, la circulation alternée des véhicules n’a été mise en place que six jours après le déclenchement de la procédure d’alerte. Ce n’est pas du tout à la hauteur des enjeux.
Le seul intérêt de ce pic de pollution est d’avoir permis à l’Etat de prendre conscience de l’inadaptation de la réglementation actuelle, qui ne nous permet pas d’agir pour prévenir les pics de pollutions et nous les fait subir. J’espère que nous arriverons à faire en sorte que la réglementation évolue. C’est la demande qui a été effectuée par Anne Hidalgo : avoir une automaticité des mesures de restriction de la circulation des automobiles, afin de ne plus être dans les tergiversations et les polémiques.
Quelles évolutions avez-vous demandé à l’Etat ?
Ce serait déjà un progrès qu’on applique la réglementation actuelle et de faire en sorte que les mesures soient automatiques, car actuellement c’est un comité d’experts (composé de représentants de la Préfecture et d’AirParif) qui se réunit à 17h, et qui est censé rendre une décision pour le lendemain. Mais évidemment, à 17h ou 18h, la préfecture n’a pas voulu mettre en œuvre les mesures …
Nous avons donc obtenu deux choses de l’Etat : la première, c’est qu’en cas de pic de pollution, les élus seront associés à la prise de décision et représentés dans ce comité, de manière à ce que le politique reprenne la main sur ces questions. Cela a été le cas le samedi 21 mars, lorsque la décision de la circulation alternée a été prise, puisque la ville de Paris et la région Ile-de-France siégeaient à ce comité. Deuxièmement, nous avons obtenu que ce comité se réunisse à 12h (au lieu de 17h), dans le prolongement des prévisions (pour le lendemain) qui sont rendues par AirParif à 11h du matin. Cela permettra afin d’annoncer les mesures à la mi-journée pour le lendemain et de gagner ainsi une demi -journée.
Une commission d’enquête sur la pollution de l’air s’est ouverte au Sénat, attendez-vous une évolution de la réglementation ?
Absolument ! La réglementation doit changer : il faut arrêter de subir les pics et pouvoir les prévenir. Aujourd’hui, réglementation ne le permet pas : pour que des mesures soient prises, il faut observer quatre jours consécutifs de pics de seuils d’information – sachant que s’ils ne sont pas consécutifs, les compteurs sont remis à zéro ! -, ou bien un jour de dépassement de seuil d’alerte (lire sur le site d’AirParif à quoi correspondent les seuils d’information et les
seuils d’alerte). Et pour autant, même si le seuil d’alerte a été dépassé par deux fois, les 18 et 20 mars, il a quand même fallu attendre six jours avant l’application des mesures de circulation alternée !
Sur la gestion des pics de pollution, la ministre de l’Ecologie a montré qu’elle n’était pas du même avis que vous ….
En effet, elle estimait qu’on ne devait pas prendre des décisions du jour au lendemain, qu’il fallait être respectueux des gens et ne pas les pénaliser. Nous n’avons pas du tout la même lecture, et regardons cet enjeux en terme de santé publique : on ne peut pas laisser les gens respirer un air extrêmement pollué, avec des indices de qualité de l’air (utilisé par AirParif, qui en décrit ici la nature) qui ont atteint un niveau de 10 sur 10 ! Nous avons eu des interpellations très fortes des citoyens sur ce sujet, et observé des cas de personnes qui suffoquaient et souffraient dans leur chair.
Quel retour avez-vous sur l’efficacité de la circulation alternée qui a été mise en place lundi 23 mars ?
Il faudra attendre plusieurs jours, voire plusieurs semaines, pour avoir un bilan chiffré et précis de la part d’AirParif. Le retour que nous avons, pour Paris, de la mise en place de la circulation alternée en mars 2014 est la diminution de 15% des émissions de particules fines et de 20% pour les oxydes d’azote. La circulation alternée permet donc d’écrêter les pics, pour passer d’un seuil d’alerte à un seuil d’information. Ce n’est pas une mesure miracle, et elle doit d’ailleurs s’accompagner de mesures sur les volets industriel et agricole. Cela sous-entend par exemple de suspendre les épandages agricoles, car ces derniers, lorsqu’ils interagissent avec les polluants routiers, se transforment en polluants secondaires (des nitrates d’ammonium) qui sont extrêmement nocifs ! C’est la raison pour laquelle la circulation alternée doit se conjuguer à d’autres mesures de réduction des épandages agricoles et de réduction de la pollution industrielles, ce qui a d’ailleurs été mis en œuvre vendredi 20 mars par la Préfecture.