La Ruche qui dit Oui et les Amap, quelles différences ?

La Ruche qui dit Oui et les Amap, quelles différences ?


     

La Ruche qui dit Oui! est souvent opposée aux Amap. Pour y voir plus clair, nous vous présentons ici les principales différences qui existent entre ces deux circuits courts, des démarches complémentaires qui répondent à des attentes différentes de consommateurs. La polémique a-t-elle lieu d’être ?

 
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La polémique enfle entre les Amap et la Ruche qui dit oui. Ces deux systèmes sont-ils donc complémentaires ou opposés?
 
La Ruche qui dit oui! (RQDO) et les Amap permettent aux consommateurs de recevoir chaque semaine ou tous les 15 jours des produits issus d’une agriculture paysanne locale. Une Amap est une association loi 1901 dirigée par un comité bénévole qui relie producteurs locaux et consommateurs. Du côté de la RQDO, on a affaire à une Entreprise Solidaire d’Utilité Sociale (ESUS), de l’économie sociale et solidaire. Elle possède donc une dimension commerciale « Le commerce n’est à nos yeux qu’un des outils disponible pour accompagner des transformations sociales et économiques autour de la question de la production et de la consommation alimentaire », affirme Guilhem Chéron, co-fondateur de La Ruche qui dit Oui. « A travers nos règles de gouvernance, la création de fonds de réserve, le réinvestissement des bénéfices dans le développement de notre mission, nous cherchons une nouvelle relation entre l’entreprise et sa fonction sociale », précise-t-il.
La RQDO est une start-up développant une plateforme e-commerce nationale qui met en contact producteurs locaux et consommateurs au sein d’une Ruche. Elle permet ainsi d’utiliser Internet au service du développement local. Les producteurs facturent directement les clients via une plate-forme bancaire dédiée à chaque vente. Chaque Ruche est animée par un responsable rémunéré qui peut avoir différents statuts. En janvier 2014, 65 % des Ruches avaient un statut d’entreprise individuelle (auto- entrepreneur, EURL…), 16 % un statut associatif, 10 % celui d’une entreprise commerciale (SARL, SAS…) et 9 % étaient rattachées à une entreprise agricole.
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Une agriculture locale et écologique ?

Dans les deux systèmes, le bio n’est pas la règle. Si la Charte des Amap demande une agriculture agro-écologique, la labellisation bio n’est pas exigée. Dans plusieurs réseaux régionaux, des systèmes participatifs de garantie sont mis en place. Ce sont les Amapiens et les producteurs eux-mêmes qui évaluent les pratiques par concertation, montrant l’importance de la relation de confiance qui existe entre les deux parties. Du côté des Ruches, les produits sont issus d’une agriculture locale, souvent familiale, ou d’artisans locaux, mais il n’y a pas de règles sur les pratiques agricoles. Néanmoins, lors de la commande, il est possible de trier les produits pour ne retenir que les produits bio. Selon les chiffres communiqués par la Ruche, 31 % des offres proposées sont labellisées AB. Pour les fruits et légumes, 51 % des producteurs détiennent le label.
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Avec la Ruche, les producteurs doivent être situés à 250 km maximum de la Ruche, la moyenne actuelle pour l’ensemble des Ruches étant de 30 km. En revanche, pour les artisans transformateurs, il n’y a pas de règles concernant l’origine des matières premières. C’est la distance entre l’atelier et la Ruche qui est prise en compte, non la distance entre son atelier et ses fournisseurs en matières premières. Pour s’assurer de la réelle localité des productions, il faudra donc la vérifier auprès des artisans. « Il faut noter que les artisans représentent 17 % du volume d’affaire dans les Ruches ; parmi eux, on trouve des brasseurs, des boulangers, des pâtissiers, et même quelques traiteurs », observe la Ruche mère.

Un engagement plus important dans les Amap

L’Amap demande un engagement des membres par contrat avec les producteurs pour l’année. Par contrat, ils s’engagent à préacheter une part de la production en début de saison, ce qui signifie que les membres payent en début d’année l’intégralité des paniers. Préfinancer la récolte constitue une véritable sécurité pour les agriculteurs, surtout face aux aléas climatiques et aux éventuels problèmes sanitaires. Cela leur permet également de disposer à l’avance de l’argent qui leur sera nécessaire pour acheter leurs intrants, leur évitant ainsi de s’endetter. Si un problème indépendant de la volonté du producteur survient en cours de route, les consommateurs devront en accepter les conséquences avec un panier amoindri… mais, si la production est abondante, les consommateurs repartiront avec des paniers garnis !
 
Chaque semaine, les Amapiens s’engagent à venir chercher leur panier au point de distribution fixé, à assurer des distributions et venir donner un coup de main sur la ferme si besoin, que cela soit de manière bénévole ou en échange d’une réduction sur leur cotisation. L’Amap instaure donc une relation solidaire, un engagement économique, éthique et social.
 
En revanche, avec la Ruche qui dit Oui!, les consommateurs restent libres de commander ou non à chaque vente. Il n’y a pas de minimum d’achats, pas d’abonnement et pas d’engagement. La vente ne se fait que lorsqu’elle atteint un montant minimum et que la livraison est rentable pour les producteurs.

Une offre plus développée dans les Ruches

Dans plusieurs Amap, il n’y a qu’un seul maraîcher : les seuls produits proposés sont des fruits et légumes. Dans d’autres, les Amapiens signent des contrats avec plusieurs producteurs. Ils peuvent alors recevoir en plus des œufs, du fromage ou de la viande… Dans les Ruches, l’offre est généralement plus développée. En effet, chaque Ruche doit avoir un minimum de 4 producteurs pour ouvrir, permettant une offre de base en fruits et légumes, viande, crèmerie, boulangerie et pâtisserie, épicerie et boissons. Il peut également y avoir des cosmétiques et de l’artisanat. Plus de 90 % des produits vendus dans les Ruches sont des produits frais, et plus de 99 % sont des produits alimentaires. Sur l’année 2014, 4 281 producteurs participent aux Ruches.
 
Avec l’Amap, le panier dépend uniquement de la production des agriculteurs, alors qu’avec une Ruche la sélection se fait sur Internet en amont de la distribution en fonction de ses envies. L’Amap revient donc aux sources de la production alimentaire : c’est au membre de s’adapter à ce qui a été produit par l’agriculteur et non le contraire. Ainsi, il n’y a aucun gâchis puisque tout ce qui est produit est distribué. Pour les Ruches, c’est la demande qui conditionne les apports de marchandises auprès des consommateurs, ne garantissant pas au producteur à chaque vente que sa production trouvera preneur.

Mais des prix plus chers dans les Ruches

Généralement, un panier en Amap pour 4 personnes coûte entre 15 et 25 euros. Ce prix est proche de celui d’un panier composé de la même manière en grande surface, tout en étant de qualité supérieure. Dans beaucoup de groupes, il existe des demi-paniers. Il y a également des systèmes de co-paniers pour les personnes seules ou en couples qui ont de moindres besoins.
Dans une Ruche, les producteurs fixent librement leurs prix de vente. Ils devront reverser 8,35 % de leur chiffre d’affaires hors taxes au responsable local de la Ruche pour l’organisation des ventes et 8,35 % à la Ruche mère pour payer ses salariés qui travaillent au développement de la plateforme Internet, assurent un support technique et commercial et veillent à la construction du réseau de Ruches.

Combien y a-t-il de Ruches et d’Amap?

Aujourd’hui, les Amap continuent leur développement et sont plébiscités par les consommateurs. Les derniers chiffres officiels datent de 2012 : on en dénombrait alors environ 1 600, ce qui représentait environ 270 000 consommateurs. Rien qu’en Île-de-France, 270 groupes existaient.
 
Pour connaître le nombre de Ruches, cela est plus simple : les statistiques sont mises à jour en temps réel sur le site Internet. Début novembre 2014, 615 Ruches sont ouvertes en France métropolitaine et 137 sont en construction. 5 Ruches sont aussi ouvertes sur l’île de la Réunion. Ces chiffres évoluent quotidiennement : entre 20 et 50 Ruches s’ouvrent chaque mois. Les premières Ruches sont sur le point de s’ouvrir en Espagne, en Allemagne et en Angleterre sous le nom de « The Food Assembly ». 48 000 clients étaient actifs fin 2013.

Ruche ou Amap ? Une polémique qui n’a pas lieu d’être

La polémique a enflé suite à la parution de l’article le 23 juin 2014 de l’article Attention…pourquoi les amap disent NON à la Ruche qui dit oui. Globalement, les Amap reprochent à la Ruche qui dit Oui d’être une entreprise qui a fait un chiffre d’affaires de 745 000 euros en 2013. Ils dénoncent aussi la présence de Xavier Niel (Président de Free), Marc Simoncini (co-fondateur du site de rencontres meetic.fr) et Christophe Duhamel (co-fondateur du site marmitton.org) dans le capital de la société. Elles comparent aussi les pratiques de la RQDO à celles des grandes surfaces. A l’opposé, elles rappellent que les Amap préfèrent une approche uniquement associative qui repose sur le bénévolat pour rémunérer au plus juste les producteurs.
 
La Ruche qui dit Oui a répondu à ces critiques sur son blog dans son article La Ruche qui dit non à la calomnie des Amap. « La RQDO n’est pas un supermarché mais un service pour aider les producteurs à se développer et à changer d’échelle, pour que les circuits courts deviennent pérennes », rappelle-t-elle. En apportant initialement 120 000 € à trois, les entrepreneurs « mal aimés » du web ne détiennent que 15,6 % du capital de l’entreprise. Les deux fondateurs en détiennent 60,7 % et le Fonds Commun pour l’Innovation XAnge Private Equity (fonds d’investissement de la Banque Postale) en détient 23,7 %. « Aujourd’hui, ces trois hommes n’ont pas d’influence sur la gestion quotidienne de l’entreprise, ni sur ses décisions stratégiques », précise LRQDO dans un appel à la coopération avec les autres circuits courts lancé en Octobre. Pour les futures sources financement, la start-up promet d’innover.
 
Tout en répondant à l’attente d’une partie des consommateurs, la Ruche qui dit Oui crée de l’emploi. Cela au coeur de la société mère Equanum (aussi appelée « Ruche Mama ») qui embauche plus de 50 salariés en CDI. Elle assure aussi un revenu complémentaire à l’ensemble des responsables de Ruche et des débouchés supplémentaires aux producteurs. Les producteurs ont ainsi embauché une centaine de personnes pour répondre à la hausse de leur activité, selon la Ruche mère.
Si l’on veut vraiment opposer ces deux systèmes, on dira que ces deux circuits répondent à des attentes différentes de la part des consommateurs. Les urbains pressés, intéressés par une alimentation plus saine, à base de produits artisanaux, s’orienteront plus volontiers vers une Ruche. Les consommateurs cherchant un réel engagement associatif s’orienteront plutôt vers les Amap. Quoi qu’il en soit, ils concourent tous deux au développement des circuits courts. N’est-ce pas là le plus important ?
 
Auteur : Matthieu Combe, fondateur du webzine Natura-sciences.com et auteur de « Consommez écologique : Faits et gestes »