Philippe Desbrosses : « Un million d'emplois nouveaux à la terre »
Philippe Desbrosses : « Un million d'emplois nouveaux à la terre »
SOPHIE BARTCZAK LA VIE / CRÉÉ LE 06/05/2015 / MODIFIÉ LE 06/05/2015 À 18H17
© Patrick Bard pour La Vie
Agriculteur, docteur en sciences de l'environnement, pionnier de l'agriculture biologique en Europe, Philippe Desbrosses est l'auteur de nombreux ouvrages dont le prophétique Nous redeviendrons paysans (Dangles). Rencontre.
Le bio est-il un espoir pour la planète ?
Le lien qui unit l'homme à la terre est connu depuis toujours : nous sommes faits de ce que nous mangeons. Comme notre agriculture, nous sommes devenus hors sol, inconscients du lien étroit - tel un cordon ombilical - qui nous unit à la terre. En trois décennies, nous avons perdu un tiers des terres arables de la planète et un hectare est transformé en désert toutes les secondes. Oui, l'agriculture bio est notre plus bel espoir car elle préserve les écosystèmes tout en améliorant leur productivité au lieu de la compromettre comme le fait l'agriculture intensive.
Peut-il nourrir tout le monde ?
Bien sûr ! D'après Olivier de Schutter, rapporteur spécial de l'Onu pour le droit à l'alimentation, en dix ans on doublerait la production alimentaire si on généralisait l'agroécologie (technique inspirée des lois de la nature) sur la planète avec des emplois
non délocalisables. Partout dans le monde de nombreuses avancées sont prometteuses. À Madagascar, une nouvelle technique permet de produire dix fois plus de riz avec peu d'eau et aucun engrais. En Occident des applications de la permaculture produisent naturellement jusqu'à huit récoltes par an sur une même parcelle sans affecter sa fertilité, créant un emploi bien rémunéré.
Peut-il être source de richesses économiques ?
Trente experts du monde agricole conventionnel s'étaient réunis en 2006 pour imaginer l'agriculture en 2025. Leurs prédictions ? Un modèle dominant proche de l'agriculture biologique couvrant 100 % du territoire et ramenant un million d'emplois nouveaux à la terre. Le modèle actuel d'agriculture intensive survit artificiellement grâce à 9,5 milliards de subventions et pourtant l'hémorragie continue avec 200 fermes en moins chaque semaine. A contrario, les agriculteurs bio s'en sortent mieux, leurs cultures protègent l'environnement (réduisant les coûts de pollution), créent des emplois et sont plébiscitées par les consommateurs. Enfin, manger bio, c'est aussi repenser son alimentation, ce qui permet de réduire son budget : local, de saison, moins de viande, plus de légumineuses, moins de produits préparés et moins de gaspillage.