Mettre en oeuvre les principes de l'agroécologie : Le maraîchage





A. Présentation de la situation


 

 

 

B. L'agroécologie en maraîchage


 

     1. Maraîchage et produits phytosanitaires


 
          Produire des fruits et légumes sains

En Horticulture, les fruits et légumes constituent une composante majeure de l’alimentation et de la santé humaine à l’échelle planétaire. Pourtant, au Sud comme au Nord, les producteurs de fruits et légumes sont confrontés à des problématiques phytosanitaires aiguës qui entraînent des impacts négatifs importants sur la santé humaine et sur l’environnement. Diverses impasses techniques sont rencontrées dans les systèmes horticoles intensifs, basés sur la monoculture.

 

          Une règlementation de plus en plus contraignante sur l'usage des pesticides

Les réglementations sur l'usage des pesticides deviennent de plus en plus strictes en horticulture :


 
Mireille Navarrete, INRA Unité Ecodéveloppement, Avignon. Extrait du module UVED : La conception de systèmes horticoles écologiquement innovants.  Pour voir la retranscription de la vidéo, cliquez-ici

 

 
          Le développement de phénomènes de résistance aux produits phytosanitaires


 
Mireille Navarrete, INRA Unité Ecodéveloppement, Avignon. Extrait du module UVED : La conception de systèmes horticoles écologiquement innovants. Pour voir la retranscription de la vidéo, cliquez-ici

 

 
         Un usage important de produits phytosanitaires ...

 
         ...qui a conduit au développement de résistances aux pesticides

  • 14 espèces d'insectes résistants en 1948,
  • 500 espèces d'insectes résistants à au moins un pesticide en 1983

 

          Le phénomène de résistance s'accélère.

 
Depuis 2000, de nombreuses situations avec des espèces d'insectes résistants à plusieurs insecticides, et à des doses croissantes sont connues: Il faut utiliser les produits à des doses plusieurs milliers de fois supérieures à celles qui étaient efficaces 50 ans plus tôt.

 
          Vers une horticulture agroécologique

Il est ainsi devenu impératif et urgent de passer d’une horticulture intensive fortement dépendante de la lutte chimique, à une horticulture écologiquement intensive, respectueuse de l’environnement, minimisant les risques pour la santé humaine, de manière à fournir en quantité suffisante une alimentation de qualité aux populations dans les deux hémisphères.

Cette conversion, qui impose des ruptures scientifiques et dans les pratiques agricoles, est fondée sur une gestion réfléchie de la biodiversité (incluant les plantes cultivées, les plantes de service éventuelles, et les réseaux trophiques associés) dans des agro écosystèmes spécialisés dont la résilience doit être prise en compte.

 

     2. La diversité des systèmes maraîchers


         Une grande (bio)diversité

En Horticulture, on observe une très grande diversité :  

  • Diversité des espèces et des variétés cultivées
  • Diversité de la durée des cycle de culture, de leur positionnement dans l'année, conduisant à des systèmes de cultures très complexes, dans le temps et dans l'espace
  • Diversité des modes de culture (sous abris, en plein champ, sur buttes...) qui, à travers le contrôle du climat ou du sol qu'ils permettent, élargissent encore les possibilités de cultiver des légumes hors saison, ou dans des zones peu propices. 

 
          Utiliser la biodiversité pour réduire des traitements chimiques

Des problèmes d'usage de produits phytosanitaires en maraîchage...

Des systèmes de culture complexes qui peuvent intégrer une grande biodiversité...

 
D'où la question centrale de cette situation de mise en oeuvre de l'agroécologie : 

Pour trouver une alternative aux traitements chimiques en maraîchage, peut-on utiliser la biodiversité cultivée, dans une approche agroécologique ? 

 

 

Pour la retranscription de la vidéo, cliquez-ici


 
Il existe d'autres manières de développer une approche agroécologique en maraîchage...

On peut penser en particulier aux approches centrées sur la fertilité du sol. L'idée est d'accroître l'activité biologique du sol et sa teneur en matière organique à travers des apports de compost et de biomasse (pour nourrir les organismes du sol et les plantes), la mise en place d'une litière et la diminution du travail du sol (pour préserver les habitats des organismes du sol). Si vous voulez en savoir plus - et que vous avez un peu de temps - vous pouvez regarder la video dans la rubrique Pour aller plus loin.

 
 

     3. Pour aller plus loin



 

 

B. Leviers d’action pour mobiliser des processus écologiques



     1. Connaissances mobilisables


 
3 types de connaissances sont mobilisables pour concevoir des systèmes maraichers alternatifs :

  • Des connaissances sur les processus biologiques et écologiques, sur des échelles allant de la plante au paysage
  • Des connaissances techniques et agronomiques à l'échelle de la culture
  • Des connaissances organisationnelles, sur les agencements des pratiques dans le temps et l'espace, intégrant les stratégies des acteurs. 



 
Mireille Navarrete, INRA Unité Ecodéveloppement, Avignon - Extrait du module UVED : La conception de systèmes horticoles écologiquement innovants

Pour télécharger la retranscription de la vidéo, cliquez-ici

 

 

     2. Les processus en jeu


Pour comprendre comment on peut utiliser la biodiversité cultivée pour lutter contre les ravageurs et les maladies des légumes, arrêtons-nous un instant sur les processus en jeu :

 

Quels processus peuvent être favorisés par la biodiversité cultivée ?


 
Alain Ratnadass, UR HortSys, Cirad. Extrait du module UVED : La conception de systèmes horticoles écologiquement innovants. Pour télécharger la retranscription de la vidéo, cliquez-ici.

 

 

     3. Deux stratégies d'action


On peut utiliser deux stratégies principales pour lutter contre les bioagresseurs grâce à la biodiversité cultivée : 

 
Première stratégie : utiliser les interactions entre les légumes cultivés en jouant sur les successions ou les associations de cultures légumières. On pourra par exemple :

  • Associer ou faire succéder dans la rotation aux cultures sensibles à un parasite, des cultures non hôtes ou résistantes à ce parasite de manière à ce qu'il ne puisse pas se propager dans l'espace ou perdurer dans le temps
  • Utiliser les propriétés biocides de certaines espèces qui, à travers les substances qu'elles émettent ou issues de leur décomposition vont tuer les bioagresseurs 

 
Seconde stratégie : introduire de nouvelles espèces entre les légumes, qui ne sont pas cultivées pour les récolter mais pour les services qu'elles peuvent fournir dans la lutte contre les bioagresseurs. On parle de plantes de service. Plusieurs processus peuvent être mobilisés grâce à ces plantes de service :

  • Repousser ou attirer ailleurs des ravageurs, attirer des auxiliaires. On parle de tratégie push-pull
  • Introduire des plantes pour leu effet barrière vis-à-vis d'un bioagresseur
  • Faciliter l'action des ennemis naturels des bioagresseurs (que l'on appelle les auxiliaires) en les introduisant ou en gérant les habitats autour de la parcelle de manière à les attirer.

 
Dans le cadre de ce Mooc, nous développerons la seconde stratégie

 
Les plantes de services peuvent ainsi rendre divers services écosystémiques en contribuant à la régulation des bioagresseurs : plantes attractives ou répulsives, plantes réservoirs pour les auxiliaires, plantes non hôtes ou assainissantes pour les parasites telluriques, plantes de couverture pour le contrôle des adventices... Elles peuvent également permettre de lutter contre l'érosion, faciliter le recyclage de nutriments, fixer symbiotiquement l'azote ou restaurer la fertilité des sols.

 
 

     4. une diversité de leviers d'action


La mise en oeuvre de ces stratégies peut se faire par différents leviers d'action qui vont jouer sur les interactions entre trois niveaux trophiques (concept présenté en séquence 2) :

  • niveau trophique 1 : la plante cultivée
  • niveau trophique 2 : le ravageur de la culture 
  • niveau trophique 3 : le prédateur du ravageur






Les leviers d'action sont les suivants :

 


 
Alain Ratnadass, UR HortSys, Cirad. Extrait du module UVED : La conception de systèmes horticoles écologiquement innovants. Pour télécharger la retranscription de la vidéo, cliquez-ici.

 

     5. LE SYSTÈME PUSH-PULL (repousser - attirer)


 
Les principes de ce système de stimulo-dissuasion, consistent à repousser l’insecte ravageur de la culture par le biais de plantes répulsives (« push ») et à l’attirer en bordure de la parcelle cultivée par le biais de plantes pièges (« pull »). Il s'agit également d'attirer les auxiliaires  (« push ») sur la culture commerciale pour qu'ils exercent une prédation sur les ravageurs.

 



Un exemple connu et « populaire » d'application de ces principes est le système « push-pull » (cf. « Les moissons du futur » de M.M. Robin).

 
Définition :

On repousse les insectes ravageurs du champ avec des plantes associées répulsives, et on les attire vers des plantes pièges placées en bordure.

Technique développée en Afrique de l'Est par l'ICIPE (International Centre of Insect Physiology and Ecology) sur le maïs, puis en Afrique australe, et qu'au Cirad, nous développons en Martinique, à la Réunion et en Afrique de l'Ouest sur diverses cultures.

L'exemple le plus emblématique d'application de ces principes, particulièrement du second groupe de processus que je viens de montrer, c'est le système « Push-pull » qui a été développé pour réguler les populations et dégâts du foreur des tiges de maïs et de sorgho Chilo partellus en Afrique orientale et australe, par les chercheurs de l'ICIPE et leurs partenaires.

Le plus emblématique dans la mesure où c'est un système qui a été spécifiquement développé avec cet objectif, et pour les petits producteurs du Sud.

Les principes de ce système de stimulo-dissuasion, consistent à repousser l'insecte ravageur de la culture par le biais de plantes répulsives (« push ») et à l'attirer en bordure de la parcelle cultivée par le biais de plantes pièges (« pull »). Ces principes de stimulo-dissuasion de type « bottom-up » peuvent aussi s'appliquer aux auxiliaires et se traduire par des effets top-down.

 
 






La culture du maïs en association avec le Desmodium résulte en un clair effet allélopathique suppressif sur le Striga, mettant en jeu à la fois la stimulation chimique de la germination et l'inhibition du développement du système racinaire de cette mauvaise herbe parasite et de sa fixation (par haustoria) sur celui de la plante hôte.


 
 
Le desmodium est une légumineuse qui améliore la fertilité du sol et la production de la céréale, et c'est aussi un bon fourrage pour le bétail, qui peut être fauché. Il en est de même du sorgho fourrager (cultivé en bordure du champ de maïs) ou de l'herbe à éléphant (en bordure du champ de maïs ou de sorgho). L'herbe à éléphants étant particulièrement efficace sur Chilo partellus en tant que « dead-end » trap plant.
En fait ce sont tous ces effets qui ont contribué au succès de cette technique.

 

 

Exemple du gombo en Afrique de l'Ouest avec utilisation du pois d'Angole ou du sorgho comme plante piège en bordure (Dispositif expérimental à l'Inran/Birni n'Konni au Niger en 2008)

 
La stratégie « push-pull » de détournement stimulo-dissuasif est considérée comme un exemple emblématique de gestion agroécologique des ravageurs, adaptée aux petites surfaces non mécanisées comme c'est le cas pour les cultures maraîchères notamment en agriculture familiale en Afrique de l'Ouest. Les processus de régulation des bioagresseurs y sont aussi bien « bottom-up » que « top-down », avec mobilisation de prédateurs généralistes

 



 

 



Ainsi, la figure ci-dessus représente un réseau trophique simplifié dans un système de culture du gombo en parcelles entourées de pois d'angole comme plante-piège, établi sur la base d'études conduites au Niger (Ratnadass et al., 2014), avec en traits noirs les relations trophiques et en traits bleus, les interactions trophiques positives.

Au premier niveau trophique, on trouve le gombo et le pois d'angole, attaqués tous deux par la noctuelle Helicoverpa armigera (ravageur « cible », au second niveau trophique), le gombo l'étant aussi par des piqueurs-suceurs, notamment jassides Empoasca spp. peu dommageables car leur infestation se produit au stade végétatif quand la plante peut les compenser, et qu'ils ne sont pas vecteurs de maladies virales.

De plus, cette infestation précoce entraîne une plus forte colonisation de la parcelle par des araignées (prédateurs généralistes), suivie d'une infestation moindre de ces mêmes parcelles par H. armigera. Le pois d'angole pourrait ainsi favoriser, par une meilleure nutrition azotée (interaction trophique positive) le développement du gombo, le rendant plus attractif pour les jassides, qui attireraient elles-mêmes les araignées, qui réguleraient elles-mêmes la noctuelle sur le gombo (en plus du seul effet attractif « bottom-up ».

 



En termes de traits fonctionnels par rapport au service régulation de la noctuelle, c'est le pois d'angole, en particulier une variété extra-précoce, qui s'est révélé le plus prometteur par rapport aux deux autres plantes pièges évaluées, à savoir le sorgho et le coton.

Ainsi, les prédateurs sont plus abondants sur sorgho (fourmis, coccinelles & araignées, et punaises Orius consommatrices de pollen et prédatrices d'œufs et larves de noctuelles, mais le contrôle manuel est difficile du fait de la compacité des panicules, et la période d'attractivité est courte.

Sur le coton, la période d'attractivité est longue, mais avec peu de possibilité de régulation naturelle ou de contrôle manuel une fois que le « ver est dans le fruit ».

Sur pois d'angole, il y a peu de prédateurs, mais la période d'attractivité est étendue et le contrôle manuel est facile. Avec en plus un effet bénéfique de la fixation d'azote, y compris par effets « en cascade », une régulation accrue de la noctuelle par des prédateurs généralistes directement sur le gombo.

On a donc là aussi des régulations par « lutte biologique de conservation », de type top-down, avec des détournements attractifs différents selon que c'est le sorgho ou le pois d'angole qui est utilisé comme plante piège de bordure : régulation sur la bordure ou sur la culture.



 

C. LUTTE BIOLOGIQUE


Un exemple de lutte biologique en maraîchage : 


Pour télécharger la retranscription de la vidéo, cliquez-ici

 

     1. Définition


La lutte biologique est une méthode de lutte contre les bioagresseurs (ravageurs des cultures, maladies ou plantes adventices) au moyen d'organismes vivants antagonistes, considérés comme des auxiliaires. Ces auxiliaires peuvent être des prédateurs, des parasitoïdes, des agents pathogènes, des plantes. De la même manière que pour les espèces invasives, considérées comme telles si leur arrivée dans un territoire non-natif est dûe à l'homme, nous considérerons la lutte biologique comme issue d'une action volontaire de l'homme. L'objectif n'est pas d'éradiquer les bioagresseurs mais de les maintenir en dessous d'un seuil de nuisibilité. On distingue quatre stratégies de lutte biologique : 


  1. la lutte biologique par acclimatation : c'est une stratégie dite d'introduction-acclimatation d'un antagoniste (ou encore, auxiliaire) exotique, généralement de même origine que le ravageur à contrôler, dans le but de développer et établir de façon durable une population suffisante pour contrôler le ravageur


  1. L'introduction répétitive d'auxiliaires, qui n'ont pas vocation à s'acclimater : c'est la lutte biologique augmentative. Elle consiste en des lâchers qui peuvent être inoculatifs (en petites quantités), ou encore, inondatifs si la population du ravageur à combattre s'accroît trop. La fréquence et la masse des lâchers dépendent des besoins spécifiques à chaque culture, et reposent sur une bonne maîtrise de la production, du stockage et de l'épandage des auxiliaires.


  1. La promotion des auxiliaires déjà présents à travers la conservation et la gestion de leurs habitats : c'est la lutte biologique de conservation. Elle s'appuie sur un ensemble de mesures prises pour la préservation des ennemis naturels des ravageurs des cultures : il s'agira de modifier les agroécosystèmes, le paysage, les pratiques culturales ...


  1. la lutte microbiologique qui concerne l'utilisation de micro-organismes, souvent conditionnés comme des insecticides (cas des préparations à base de la bactérie Bacillus thuringiensis), et prend ainsi la forme d'une lutte inondative. 


     2. Un peu d'histoire...


Dans l'Egypte antique, les stocks de grains étaient préservés des rongeurs par des chats domestiqués. En 324 av J.C., en Chine, les nids de la fourmi Oecophylla smaragdina étaient collectés et vendus aux paysans afin de protéger les plantations d'agrumes contre les lépidoptères et les coléoptères. En 1762, le Martin triste Acridotheres tristis (oiseau voisin du Mainate), est introduit dans l'île de France (Maurice), puis à l'île Bourbon (La Réunion), pour contrôler le criquet Nomadacris septemfasciata. Dès 1889, l'entomologiste américain Riley introduit avec succès des coccinelles australiennes et néo-zélandaises dans des orangeraies californiennes pour y limiter les pullulations de cochenilles, elles-mêmes introduites accidentellement: c'est le premier succès majeur de la lutte biologique, considéré aujourd'hui comme l'acte de naissance de la lutte biologique moderne.


     3. Pour aller plus loin


Si vous souhaitez vous former sur la lutte biologique, vous pouvez vous rendre sur le module de formation en ligne du projet UVED IBAR : Espèces invasives (insectes et îles), lutte biologique et gestion agroécologique à la Réunion.

Vous pouvez en particulier regarder le Chapitre 2 sur la lutte biologique par introduction - acclimatation d'insectes auxiliaires.

 

     4. Utiliser les propriétés biocides



Mireille Navarrete, INRA Unité Ecodéveloppement, Avignon. Extrait du module UVED : La conception de systèmes horticoles écologiquement innovants. Pour télécharger la retranscription de la vidéo, cliquez-ici


Différentes modalités d 'action:

  • plantes produisant des substances toxiques (cf brassicacées)
  • plantes pièges (qui bloquent le cycle du pathogène)
 

Quelques exemples de plantes nématicides: 

 

Engrais vert
Nématodes combattu
Source
Impacts négatifs
Radis fourrager
Heterodera schachtii et H trifolii
Caubel et al. 1985
Mazollier et al. 2003
plante hôte de ravageurs (noctuelles, limaces)
Moutarde blanche
Heterodera schachtii et H trifolii
Caubel et al. 1985
plante hôte de ravageurs (noctuelles, limaces)
Phacélie
Méloïdogyne hapla et Heterodera schachtii
Mazollier et al. 2003
plante hôte pour thrips , aleurodes
Tagète (minuta, patula)
Méloïdogyne hapla et M.incognita
Winoto, 1969
Crotalaire
Méloïdogyne incognita
Winoto, 1969

 


Un exemple d'effet barrière

Un exemple d'un effet barrière est ici constitué par une légumineuse annuelle, Crotalaria juncea, qui a été placée en écran visuel et physique face au vent pour réduire l'infestation de la parcelle par les mouches blanches Bemisia tabaci. Bemisia tabaci est en effet un insecte qui vole dans le sens du vent et à basse altitude. Une plante à port dense et érigé comme Crotalaria juncea peut donc constituer une barrière efficace, à la fois physique et visuelle contre un ravageur ayant ces caractéristiques.

Dans l'exemple illustré ci-dessous, des travaux de l'AVRDC en Indonésie ont montré que Crotalaria juncea constituait une barrière plus efficace que du maïs, qui nécessite par ailleurs une plus grande surface plantée.



Crotalaria juncea réduit la transmission des géminivirus par Bemisia tabaci sur poivron à Java, Indonésie

 
Ce dispositif est plus efficace que le maïs (qui nécessite une plus grande surface plantée).

 

Paula Fernandes - UR Hortsys Cirad. Extrait du module UVED : La conception de systèmes horticoles écologiquement innovants. Pour télécharger la retranscription de la vidéo, cliquez-ici



 

D. Cas d’étude : mouche des fruits à la Réunion


 
CONTRÔLE DES PATHOGÈNES AÉRIENS : EXEMPLE DE LA MOUCHE DES FRUITS À LA RÉUNION (PROJET GAMOUR) 

 

     1. Mouches des légumes, mouches des fruits ?


 

Le projet GAMOUR (Gestion Agroécologique des MOUches des légumes à la Réunion), mis en place en 2009, a pour but de contrôler ces mouches, en utilisant une combinaison de plusieurs méthodes favorisant la biodiversité et la santé des sols, tout en minimisant l’apport de pesticides

Parmi les différentes espèces de mouches des fruits (appellation commune pour les diptères de la famille des Tephritidae) présentes à l’île de La Réunion, huit sont considérées comme nuisibles aux cultures de fruits et légumes; trois de ces dernières, de la sous-famille des Dacini, s’attaquent aux cucurbitacées (courgette, pastèque, chouchou (christophine), melons): pour les distinguer des autres, elles sont dénommées, un peu abusivement, « mouches des légumes ». En pondant leurs œufs dans les cucurbitacées, elles en détériorent les fruits, qui tombent à terre et sont inconsommables, parfois au détriment de la totalité de la récolte.

 

 

     2. Historique des personnages phares dans l’initiation du projet GAMOUR


 

Interview de Mireille Jolet - Extrait du module IBAR. Pour télécharger le résumé de la vidéo, cliquez-ici

 

Interview de Sergio Victoire - Extrait du module IBAR. Pour télécharger le résumé de la vidéo, cliquez-ici

 

     3. Sondage d’agriculteurs


L'Entre-Deux est l'un des trois villages pilotes choisis pour le projet GAMOUR (2009 – 2011). Avec une partie de son territoire dans le périmètre du Parc National, la commune de l'Entre Deux surplombe la rivière Saint-Etienne, entre les Bras de la Plaine et de Cilaos ; ces conditions géologiques lui offrent un enclavement propice à un projet agroécologique.

L'agriculture représente sa première activité économique. Les cultures légumières représentaient 76 ha en 2000, pour 206 ha de surface agricole utilisée (Agreste 2000). La zone de l'Entre-Deux, qui se situe à 600 m d'altitude, est sujette à une pullulation estivale des populations de la mouche des légumes  Bactrocera cucurbitae, abondante à La Réunion du littoral jusqu'à 600m d'altitude.

Afin de mieux cerner l'opinion des agriculteurs de l'Entre Deux face aux mouches des légumes et à l'usage des pesticides, des sondages ont été réalisés dans le cadre d'un projet tutoré de Master 2 à l'Université de La Réunion en 2008/2009 (Aubry Maud, Baudoin Yann, Belizaire Jessie, Broc Antony, De Bouvre Christophe, Duffourc Victor, Enault Camille, Fontaine Alexandre, Guezello Cécile, Lauzel Lisa, Mahe Emeric, Mariaye Annélyne, Michalon Lydia, Pellet Lucie, Master 2 Génie Urbain et Environnement, Université de La Réunion, sous la direction de Jean-Philippe Deguine. Etude de faisabilité du projet GAMOUR sur la commune de l'Entre-Deux).

29 chefs d'exploitation et co-exploitants (dont 6 retraités) ont été interrogés, sur un total estimé à 131 sur la commune (retraités compris). Nous nous intéresserons ici à une partie seulement des résultats obtenus :

Si 24 agriculteurs sur les 29 utilisent des pesticides contre les mouches des légumes, 12 trouvent que les pesticides ne sont pas efficaces (soit 42,4% des interrogés)

 

     4. Le projet GAMOUR



Pour télécharger la retranscription de la vidéo, cliquez-ici

 
Perception des changements des pratiques : agriculteurs conventionnels et biologiques


Pour télécharger la retranscription de la vidéo, cliquez-ici

 
Le bilan à ce jour du projet GAMOUR est très positif :

  • Les tests effectués avec le Syneis-appat dans le projet GAMOUR ont contribué à son homologation pour toutes les cultures fruitières et maraîchères en France.
 
  • 683 agriculteurs ont pu être formés aux méthodes GAMOUR entre 2012 et 2013, avec un taux d’utilisation des techniques associées à GAMOUR de 92%. Les critères identifiés comme étant importants pour un succès de l’implantation de ces techniques sont : une bonne formation, une disponibilité sur place du matériel nécessaire (en particulier, les augmentoria), ainsi que la mise à disposition de guides techniques.
 
  • La réduction de l’utilisation d’insecticides a permis de favoriser le retour d’arthropodes utiles (insectes auxiliaires).
 
  • En 2013, plus de la moitié des producteurs de chouchou à Salazie (zone principale de production) sont, soit certifiés, soit en cours de certification « agriculture biologique ».
 
  • L’application des techniques de GAMOUR, passant d’une démarche curative à préventive, s’accompagne de réductions de coûts significatives (abandon de l’utilisation de pesticides directement sur la culture), sans perte de rendement. La différence économique majeure porte sur la quasi-absence des traitements insecticides curatifs sur les productions protégées par la méthodologie Gamour : 0, 1 traitement/cycle contre 4, 2 en protection classique, sans conséquence négative sur la production. Malgré la nécessité d'investir du temps dans la prophylaxie (prévention), l'application d'appâts, de pièges et de la plantation de bordures à entretenir par la suite, la réduction drastique des traitements insecticides permet un gain en temps de travail (jusqu'à 80% de la réduction de temps de travail sur une durée maximale de 6 heures hebdomandaires/ha de cucurbitacées en production classique) et un coût global réduit (jusqu'à près de 66% de réduction des coûts totaux, estimés au maximum à 88 euros/ha/semaine en production classique pour la protection phytosanitaire et le temps de travail).
 
  • L'analyse des résultats de production porte sur le suivi de 7, 6 ha de treilles de chouchou, et de 19 cycles de courgette comparés à sept cycles « témoins ». Elle montre une tendance à l'augmentation des rendements et/ou la réduction des pertes, sans significativité statistique cependant
 
  • le succès de GAMOUR a impliqué des partenaires multiples : en amont, le CIRAD (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) a conçu et mis au point des innovations, et la FDGDON (Fédération Départementale des Groupement de Défense contre les Organismes Nuisibles de la Réunion) a formé des acteurs. Plus en aval, la Chambre d'Agriculture a été impliquée dans la coordination, le suivi et l'évaluation du projet, ainsi que dans le transfert en milieu producteur.  Les autres partenaires sont : TERRE BOURBON, TAKAMAKA INDUSTRIES, ASP (Agence de services et de Paiement, Délégation régionale de La Réunion), FARRE (Forum de l'Agriculture Raisonnée Respectueuse de l'Environnement), ARMEFLHOR (Association Réunionnaise pour la Modernisation de l'Economie Fruitière Légumière et HORticole), Université de La Réunion, GAB Réunion (Groupement des Agriculteurs Biologiques), DAAF Réunion (Direction de l'Alimentation de l'Agriculture et de la Forêt), VIVEA (Société Coopérative Agricole de collecte et de ventes de fruits et légumes).
 
Grâce à la mise en réseau initiée par GAMOUR et à sa réussite, le développement et le financement de projets multipartenariaux tels BIOPHYTO (projet de recherche-développement portant sur la production durable de mangues sans insecticides à La Réunion) a été facilité. Un autre point positif est que les collectivités partenaires (mairies) se sont réellement impliquées tout au long du projet.



Cette situation de mise en oeuvre a été construite par Stéphane de Tourdonnet à partir de deux modules de formation numérique de l'UVED (Université Virtuelle Environnement et Développement Durable) :


  • Conception de systèmes horticoles écologiquement innovants conçu dans le cadre du projet EcoHort en partenariat entre Montpellier SupAgro, AgroCapus Ouest, le CIRAD et l'INRA. Les auteurs des parties utilisées dans le Mooc sont Eric Malézieux (Unité HortSys, CIRAD), Alain Ratnadass (Unité HortSys, CIRAD) et Mireille Navarrete (Unité Ecodéveloppement, INRA). Pour accéder à l'intégralité de ce module, cliquez ici


  • Espèces invasives, lutte biologique et gestion agroécologique à la Réunion (IBAR) conçu par Nathalie Becker (Museum National d'Histoire Naturelle) en collaboration avec l'Université de la Réunion et le CIRAD. Pour accéder à l'intégralité de ce module, cliquez ici
 
 
 
 
L'émergence de l'Agroécologie ICI

Les différentes approches de l'Agroécologie ICI

D'autres documents sur l'Agroécologie ICI