La Renouée du Japon ou Renouée à feuilles pointues (Reynoutria japonica
aussi nommée Fallopia japonica ou encore Polygonum cuspidatum ) est une espèce
de plante herbacée vivace de la famille des Polygonaceae originaire d’Asie
orientale, naturalisée en Europe dans une grande diversité de milieux humides.
Cette plante herbacée très vigoureuse est originaire de Chine, de Corée,
du Japon et de la Sibérie. Elle est cultivée en Asie où elle est réputée pour
ses propriétés médicinales. Naturalisée en Europe et en Amérique, elle y est
devenue l'une des principales espèces invasives ; elle est d'ailleurs inscrite
à la liste de l'Union internationale pour la conservation de la nature des 100
espèces les plus préoccupantes.
Déjà introduite au Moyen Âge par la route de la soie comme fourragère,
elle sera réintroduite par Philipp Franz von Siebold, médecin officier de la
Compagnie néerlandaise des Indes orientales en poste à Nagasaki entre 1823 et
1829. Il l'introduira dans son jardin d'acclimatation en 1825, à Leyde en tant
que plante ornementale, mellifère et fourragère. Son apparition en France fut
constatée pour la première fois en 19395.
Description
Cette grande plante vigoureuse a des tiges creuses érigées, rougeâtres,
semblables à des cannes de bambou, de 1 à 3 m de haut. Sa croissance peut être
de 1 à 8 cm par jour d’après Brock6, elle peut donc atteindre sa hauteur
maximale de 4 mètres en 2 mois au printemps.
C'est une plante géophyte à rhizome/hémicryptophyte érigée : les tiges
aériennes meurent l’hiver et seuls persistent des bourgeons souterrains et/ou
au raz du sol.
Les feuilles inférieures largement ovales-triangulaires atteignent
15-20 cm de long et sont brusquement tronquées à la base. Elles sont alternes.
Les petites fleurs blanches apparaissant en septembre-octobre sont
disposées en panicules à l'aisselle des feuilles (au niveau de l'ochréa). Elles
comportent 5 tépales persistantes, 8 étamines et 3 styles. Le fruit est un
akène de 2-4 mm de long. Pollinisées par les insectes, les fleurs fournissent
une source intéressante de nectar à une époque de l’année où les fleurs se font
très rares. En France, les graines sont peu fertiles et la reproduction se fait
surtout par multiplication végétative par l’intermédiaire de longs rhizomes, de
fragments de rhizomes dispersés ou de boutures de tiges.
La renouée du Japon affectionne les zones alluviales et les rives des
cours d’eau où l’humidité et la richesse nutritive du substrat lui permettent
d’avoir une croissance optimale, conduisant à des peuplements monospécifiques.
Elle peut former de larges fourrés denses. On la trouve aussi dans les milieux
rudéralisés (bords des routes, alentours des jardins, terrains abandonnés).
Plante pionnière acidocline à neutrocline, colonisant les pentes de volcans
dans son aire d'origine (code EUNIS : H6), et les monticules de cendres issues
des centrales thermiques à charbon dans son aire d'introduction, elle tolère
pratiquement tout type de sol. Elle est largement répandue en Europe
occidentale et centrale. Elle a colonisé l’ensemble de la France.
Caractères indicateurs
L'envahissement par la renouée du Japon et ses hybrides indique qu'une
pollution des sols en métaux, surtout l'aluminium, a peut-être eu lieu ou est
en cours. Par conséquent la plante en elle-même est moins inquiétante pour la
pérennité des écosystèmes locaux que la pollution qu'elle indique, dans la
mesure où il est question d'une dégradation possiblement irréversible des sols.
Dans les zones ainsi touchées, la renouée retrouve des conditions de
toxicité édaphique similaires à celles de son aire de répartition. Il en va de
même pour ses sous-espèces et la renouée des îles Sakhalines.
Toutes sont capables de coloniser les coulées de lave récentes. Jusqu'à
l'ère industrielle, l'activité volcanique était la seule source massive de
dépôts d'éléments-traces métalliques et d'éléments acidifiants. Ce sont des
conditions pour lesquelles les renouées sont déjà fortement adaptées
contrairement à la flore native de nos régions. Dans leur nouvel habitat,
toutes ces renouées colonisent couramment les accotements, les talus des
autoroutes et des voies ferrées, les anciennes décharges, les rives des cours
d'eau pollués aux métaux. Les transports de terre auxquelles ces zones sont
sujettes, notamment le façonnage régulier et possiblement mal conduit des
berges et des cours d'eau, finissent de disperser sur tout le territoire les
graines, les racines et les tiges à partir desquelles la renouée peut se
multiplier. Le caractère de plus en plus invasif des renouées indique une
pollution des sols en métaux de plus en plus forte et généralisée.
Autrement dit, la décrépitude des biotopes hôtes favorise l'extension
de la renouée.
Utilisations
En climat tempéré, c'est une plante produisant une grande quantité de
biomasse aussi bien racinaire (16 tonnes par hectare) qu'aérienne (13 tonnes
par hectare).
En Europe, c'est une plante mellifère intéressante pour les apiculteurs
car elle fleurit à la fin de l'été, à une époque où peu de fleurs subsistent.
Les apiculteurs du nord-est des États-Unis en font un miel monofloral, appelé «
miel de bambou » (bamboo honey), de couleur brun foncé, corsé comme le miel de
sarrasin.
Le miel et les autres produits apicoles peuvent concentrer les éléments
traces métalliques qui sont certainement présents dans le substrat des
peuplements de renouées, notamment les métaux lourds, nuisant à la qualité du
miel et des autres produits, ainsi qu'à la santé des essaims (L. Leita et Al.
1996). L'invasion des espaces naturels par les renouées du Japon fait
malheureusement disparaitre de nombreuses plantes à fleurs qui auraient pu
produire du nectar pour de nombreux insectes pendant toute la période
végétative.
Consommation en Europe
Il n'est pas prudent de consommer des renouées récoltées en Europe, car
la majorité des massifs s'est développée sur des sols artificiels. La
probabilité que ces sols soient pollués et que la végétation qui se développe
dessus soit impropre à la consommation humaine, est donc importante : il faut
être « sûr » de la station où s'effectue la cueillette.
Des Recettes :
Sauvagement-Bon: Tout en hauteur
Confiture de renouée du Japon
Composition chimique
La renouée du Japon est la plante connue pour être la plus riche en
resvératrol, une molécule trouvée aussi dans le vin rouge, qui n’a cessé de
susciter depuis les années 1990 un intérêt toujours renouvelé de la part des
biologistes et des revendeurs de compléments alimentaires. Les rhizomes
accumulent de 20 à 50 fois plus de resvératrol que les autres parties. Pour Bae
et Pyee (2004), les rhizomes contiennent environ 197 μg/g MS de resvératrol
alors que les tiges n’en ont que 9 et qu’aucune trace n’a été détectée dans les
feuilles. Une trentaine de constituants ont été isolés dans les rhizomes. Les
composés ayant un intérêt pharmacologique peuvent être regroupés dans les cinq
classes suivantes : les anthraquinones, les stilbènes, les flavonoïdes, les
lignanes et les composés phénoliques.
La plante serait donc une source de revenu importante dans son pays
d'origine, mais elle n'y est pas invasive et ne provoque pas de dommages aux
milieux naturels comme dans les régions où elle a été introduite.
Impacts de la plante hors de son aire d'origine
Considérée comme une plante très décorative, elle a longtemps été
introduite dans beaucoup de jardins et vendue par des jardineries. Dépourvue de
prédateurs locaux et de compétiteurs, elle s'est avérée très invasive et donc
défavorable à la biodiversité.
D'un développement très rapide, sa progression se fait au détriment de
la flore locale (comme l'angélique des estuaires, Angelica heterocarpa Lloyd,
endémique de quelques estuaires), mais aussi de la diversité en vertébrés et
surtout d'invertébrés (abondance totale diminuée en moyenne d’environ 40 % sur
les cours d'eau inventoriés, avec un nombre de groupes d’invertébrés diminué de
20 à 30 %).
Ceci expliquerait que comme d'autres plantes invasives, la renouée
fasse reculer les populations d’amphibiens, reptiles, et oiseaux ainsi que de
nombreux mammifères des habitats ripicoles, car ces derniers dépendent
directement ou indirectement des espèces herbacées autochtones et/ou des
invertébrés associés pour leur survie. La renouée est fréquente sur des
néo-sols et milieux dégradés et pauvres en biodiversité du fait de son mode de
propagation par transport de fragments de rhizomes (rivière, engins de chantier
et agricoles, autres véhicules...).
Il est très difficile de l'éliminer (persistance des rhizomes).
Sa vigueur et la rapidité de sa propagation sont telles qu'un petit
foyer peut rapidement coloniser les abords jusqu'à former des massifs de
plusieurs dizaines de mètres carrés, prenant le pas sur la végétation locale
basse - même bien implantée. Se développe aussi à sa suite, l'espèce de fourmis
tout aussi invasive, Lasius neglectus, provenant de l'ouest de la Mer noire.
Elle y trouve une nourriture abondante grâce aux nectaires à la base des
feuilles de renouée. On trouve là un problème tout particulier d'hémérochorie,
où deux espèces, l'une animale, l'autre végétale, concourent pour changer le
biotope.
Méthodes de lutte
Les méthodes de lutte associent des mesures préventives et des mesures
d'élimination ou compensatoires.
Les techniques préventives regroupent toutes les mesures permettant
d'éviter la dispersion volontaire ou involontaire de la plante, ou son
implantation sur un site (destruction précoce de la plante avant son
enracinement). Avant de s'engager dans des programmes de lutte, il est
indispensable d'évaluer à quel stade d'invasion se trouve la plante.
- Éradication mécanique
La plante est très difficile à éradiquer, notamment en période
végétative, car elle est capable de réparer très rapidement (en quelques jours)
ses tissus endommagés. S'attaquer à sa partie aérienne (tiges et feuilles)
n'empêche pas la survie de la partie vivace enterrée dans le sol. De plus, les
fauches peuvent favoriser la dispersion de la plante puisque les tiges coupées
se bouturent très facilement. L'extraction de tous les rhizomes est fastidieuse
et illusoire, car leur densité dans le sol est très importante. De plus, il
suffit d'un fragment de rhizome portant un bourgeon pour régénérer la plante.
Il n'existe donc pas encore de moyens mécaniques totalement fiables
pour éradiquer la plante, mais des essais sont en cours en France pour détruire
la partie vivace et souterraine de la plante, notamment par un traitement par
godets-cribleurs-concasseurs qui semblent efficaces pour traiter sans produits
chimiques des alluvions infestées et pour détruire les rhizomes en les broyant.
Cependant, les matériels et engins doivent ensuite être très soigneusement
nettoyés afin qu'ils ne dispersent pas de propagules.
- Élimination chimique
L'utilisation de produits chimiques est très souvent compliquée
(respect de conditions strictes d'application, suivi sur plusieurs années) et
parfois impossible en raison de la réglementation. Par exemple, en France,
l'application d'herbicides est interdite à moins de 5 m des bords de cours
d'eau.
- Mesures compensatoires
Elles regroupent toutes les mesures visant à compenser les impacts de
la plante, comme les plantations, semis et fauches pluriannuelles afin de
permettre à d'autres plantes de se développer. Les fauches présentent toutefois
le risque de propager la plante sur d'autres sites, par l'intermédiaire de
tiges coupées qui se bouturent très facilement.
- Lutte biologique
Dans le cadre de la lutte biologique, il a été envisagé de trouver un
prédateur naturel de la renouée, dans son aire d'origine.
En France, le Parc de Saint Périer à Morigny-Champigny en Essonne
développe une nouvelle méthode encore méconnue dans l'hexagone : l'écopastoralisme, soit la lutte contre
la Renouée avec l'aide de chèvres des fossés.
- Bâchage du sol
La pose d'une bâche sur le sol empêchant les tiges aériennes de pousser
ne permet pas de détruire les rhizomes présents dans le sol. Des essais ont été
conduits pendant plusieurs années, sans succès.
Des liens :
http://cceau.fr/invasions_biologiques/renouees_asiatiques/
Fiche - Conservatoire Botanique National Alpin (PDF)