1. Introduction
COMPRENDRE L'ÉMERGENCE DE L'AGROÉCOLOGIE
Les pratiques que l’on appelle aujourd’hui agroéocologiques sont pour certaines ancestrales. Mais le concept d’agroécologie lui-même se structure dans les années 80, à la fois dans le travail de scientifiques nord-américains et dans l’engagement de mouvements sociaux de plusieurs pays d’Amérique latine.
Que s'est-il passé ?
Plusieurs agronomes et écologues engagés sur des terrains de recherche latino-américains ont cherché à construire un modèle alternatif de développement à partir d’une évaluation critique des impacts de la Révolution verte. Le plus connu d’entre eux est Miguel Altieri, un agronome d’origine chilienne enseignant à l’Université de Berkeley (Californie). Le cadre scientifique qu’ils élaborent, alternative au modèle biotechnologique, va offrir à divers acteurs sociaux déjà engagés dans des pratiques de type agrécologique un cadre de référence pour penser une alternative à l’agriculture dominante.
Répondre aux impacts de la modernisation agricole
Ainsi, dès sa naissance, l'agroécologie va réunir sous un même vocable divers types d'acteurs et courants de pensée, allant d'approches purement techniques à des approches qui engagent un modèle de société. Nous approfondirons ces diverses approches lors de la deuxième séquence. Mais ces acteurs ont un point commun : celui de chercher des réponses aux impacts négatifs de la modernisation agricole. Réponses aux impacts environnementaux quand l'agroécologie défend d'autres façons de produire, réponses aux impacts socio-économiques quand l'agroécologie se présente comme une alternative sociale, économique et politique, réponses aux impacts culturels quand l'agroécologie interroge notre vision du rapport entre l'homme et la nature.
Dans ce chapitre introductif, vous découvrirez comment l'agroécologie a émergé en réponse à trois enjeux majeurs auxquels l'agriculture est aujourd'hui confrontée : nourrir les populations, préserver l'environnement, faire face aux incertitudes (épuisement de certaines ressources, changement climatique...). Puis, nous verrons en quoi l'agroécologie apporte une réponse originale et pertinente pour relever ces défis. Enfin, nous vous présenterons les trois thèmes que nous avons choisis - environnemental, socio-économique, culturel - pour expliquer les différentes dimensions de l'émergence de l'agroécologie.
Les Enjeux
L'agroécologie a
émergé autour d'une idée-clé : fonder la conception des systèmes agricoles sur
la valorisation des processus écologiques. Elle apporte une réponse originale à
trois grands enjeux de l'agriculture.
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CE QUE CHANGE
L'AGROECOLOGIE
C'est notre
manière même de concevoir la production agricole que change l'agroécologie.
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TROIS THEMES A
EXPLORER
L'agroécologie a
émergé en réponse aux impacts de la modernisation agricole : impacts
environnementaux, impacts socio-économiques, impacts culturels.
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2. Impacts
environnementaux de la modernisation agricole
Quand l'agriculture
nuit à son propre avenir
Si la
modernisation agricole a permis une augmentation sans précédent des rendements
et de la production agricole, elle a également entraîné de nombreuses
nuisances à l'environnement : l'agriculture est la cause principale de la pollution
de l'eau par les nitrates, le phosphate et les pesticides, elle constitue la
principale source anthropique de gaz à effets de serre et, avec la foresterie
et la pêche, la principale cause de perte de biodiversité dans le monde.
L'agriculture nuit également à son propre avenir par la dégradation des sols,
la salinisation, le soutirage excessif d'eau et la réduction de la diversité
génétique des cultures et du bétail.
Cette prise de
conscience des impacts
négatifs de l'agriculture sur l'environnement a pris de l'ampleur à partir des
années 80 et a conduit à des évolutions marquées dans la manière de concevoir
la production agricole, évolutions que nous illustrerons à travers quelques
exemples.
Le bilan mitigé
de la révolution verte
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vidéo : Haute définition (720p) / Standard (512p) / Smartphone (320p)
(extrait de la
vidéo « La diversité des approches de l’agroécologie» - UVAE).
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Développement
durable : une première prise de conscience
La prise de
conscience de la nécessité d'intégrer les impacts environnementaux dans le
raisonnement de l'activité agricole a conduit à l'émergence du concept de développement durable,
popularisé par le troisième Sommet de la Terre qui s'est tenu à Rio de
Janeiro en 1992.
Qu'est-ce que
le développement durable ?
Il s'agit de « répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs propres besoins », ceci en combinant les préoccupations économiques, sociales et environnementales.
Il s'agit de « répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs propres besoins », ceci en combinant les préoccupations économiques, sociales et environnementales.
En savoir plus sur le développement durable ICI
Début des années
2000 : le concept de serviceS écosystémiques
Une autre étape
importante dans ces relations agriculture/environnement, étape sur laquelle
nous reviendrons plus tard, est le Millenium
Ecosystem Assessment (MEA). Cette expertise mondiale
conduite sous l'égide de la FAO de 2001 à 2005 a permis de dresser un état des
lieux des écosystèmes et des impacts de l'agriculture à travers le concept de
service écosystémique.
Ce concept part du principe que toute personne vivant dans le monde dépend des écosystèmes de la planète et des services qu'ils procurent tels que la nourriture, l'eau, la régulation du climat, la plénitude spirituelle, les plaisirs récréatifs, etc. Comme le montre la figure ci-dessous, ces services ont été caractérisés dans différents écosystèmes et les impacts de l'agriculture sur ces services ont été évalués.
Ce concept part du principe que toute personne vivant dans le monde dépend des écosystèmes de la planète et des services qu'ils procurent tels que la nourriture, l'eau, la régulation du climat, la plénitude spirituelle, les plaisirs récréatifs, etc. Comme le montre la figure ci-dessous, ces services ont été caractérisés dans différents écosystèmes et les impacts de l'agriculture sur ces services ont été évalués.
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Au service du
bien-être humain
Les services
écosystémiques contribuent au bien-être humain à travers la satisfaction de
nombreux besoins, de notre sécurité ou de notre santé, en passant par nos
relations sociales, jusquà notre liberté de choix et d'actions.
Les flèches
représentées sur ce schéma illustrent les liens les plus courants entre
services écosystémiques et composantes du bien-être humain. Leur épaisseur
représente l'intensité du lien, tandis que leur couleur correspond au degré
d'intervention possible de facteurs socio-économique. Par exemple, s'il est
possible d'acheter un produit ou service de remplacement à la place de celui
attendu, l'influence des facteurs socio-économiques est faible, et la couleur
des flèches est claire. On notera que l'intensité des liens et le potentiel de
médiation diffèrent suivant les écosystèmes et les régions.
Explorons à
présent les quatre types de supports écosystémiques : services de soutien,
services d'approvisionnement, services de régulation et services culturels.
Les différents
services
Les services
"de support"
Les services de
support (aussi appelés services d'auto-entretien) sont des services nécessaires
à la production des autres services : ils créent les conditions de base au
développement de la vie sur terre.
Par exemple la
formation des sols ou la production d'oxygène dans l'atmosphère sont
étroitement liées à des activités biologiques remontant à plusieurs millions
voire milliards d'années. Ces premières activités biologiques ont permis
l'établissement de la vie telle que nous la connaissons actuellement.
Ceci est valable
aussi pour le recyclage des nutriments et la production primaire
qui sont deux phénomènes écologiques et biogéochimiques de première importance
pour la vie sur terre et totalement intégrés dans la biosphère depuis
l'apparition de la vie sur terre.
Ces services,
difficilement quantifiables et manipulables par l'homme, sont à la base des
autres services.
Les services
d'approvisionnement
Les services
d'approvisionnement correspondent aux produits obtenus à partir des écosystèmes
.
- Nourriture : produits alimentaires dérivés des
plantes, des animaux ou des microorganismes (par exemple, les fruits, les
champignons, la pêche, la chasse).
- Eau potable (même si l'eau nécessaire à la vie
sur terre pourrait aussi être classée dans les services de support).
- Fibres : bois, jute, coton, laine, soie ou
chanvre.
- Combustibles : bois, bouses et autres matériels
biologiques servant de sources d'énergie.
- Ressources génétiques : gènes et informations
génétiques utilisées en sélection variétale ou pour les biotechnologies.
- Produits biochimiques ou
pharmaceutiques :
médicaments (antibiotiques par exemple), biocides (toxine Bt), adjuvants
alimentaires (alginates).
- Ressources ornementales : produits animaux et végétaux comme
les peaux et fourrures, les coquillages et les fleurs utilisées comme
ornements.
On notera que les
services d'approvisionnement sont les services dont les humains ont le plus
immédiatement conscience (il s'agit de produits fournis directement par les
écosystèmes ou par les agroécosystèmes).
Les services de
régulation
Les écosystèmes
fournissent des services qui rendent la vie possible pour l'humanité. Les
plantes nettoient l'air et filtrent l'eau, les bactéries décomposent les
déchets, les abeilles pollinisent les fleurs et les racines d'arbres
maintiennent les sols en place. Tous ces processus fonctionnent ensemble pour
rendre les écosystèmes propres, durables, fonctionnels et résilients face aux
changements.
Ainsi, les
services de régulation permettent de modérer ou de réguler les phénomènes
naturels.
Régulation du
climat
Les écosystèmes influencent le climat à toutes les échelles; les changements d'usage des sols peuvent agir sur les températures et les précipitations d'une région donnée. A une échelle plus globale, ils affectent le climat en séquestrant du carbone (dans le sol ou dans la biomasse) et en émettant des gaz à effet de serre vers l'atmosphère (CO2, N2O, CH4 par exemple).
Les écosystèmes influencent le climat à toutes les échelles; les changements d'usage des sols peuvent agir sur les températures et les précipitations d'une région donnée. A une échelle plus globale, ils affectent le climat en séquestrant du carbone (dans le sol ou dans la biomasse) et en émettant des gaz à effet de serre vers l'atmosphère (CO2, N2O, CH4 par exemple).
Régulation de
la qualité de l'air
Les écosystèmes prélèvent des produits chimiques de l'air ou au contraire, émettent des produits chimiques vers l'atmosphère, ce qui peut influer sur la qualité de l'air.
Les écosystèmes prélèvent des produits chimiques de l'air ou au contraire, émettent des produits chimiques vers l'atmosphère, ce qui peut influer sur la qualité de l'air.
Régulation de
l'eau
Les changements d'usage des terres peuvent modifier profondément les amplitudes du ruissellement, des inondations, de la recharge des aquifères, du potentiel de stockage de l'eau.
Les changements d'usage des terres peuvent modifier profondément les amplitudes du ruissellement, des inondations, de la recharge des aquifères, du potentiel de stockage de l'eau.
Régulation de
l'érosion
Le couvert végétal mais également les actions de bioturbation par les organismes du sol jouent un rôle important dans le contrôle de l'érosion et dans la prévention des glissements de terrain.
Le couvert végétal mais également les actions de bioturbation par les organismes du sol jouent un rôle important dans le contrôle de l'érosion et dans la prévention des glissements de terrain.
Régulation des
maladies et des bioagresseurs
Des changements dans les écosystèmes peuvent modifier l'abondance de pathogènes humains (choléra par exemple) ou de vecteurs de maladies (comme les moustiques). D'autres changements peuvent également affecter la prévalence des bioagresseurs.
Des changements dans les écosystèmes peuvent modifier l'abondance de pathogènes humains (choléra par exemple) ou de vecteurs de maladies (comme les moustiques). D'autres changements peuvent également affecter la prévalence des bioagresseurs.
Pollinisation
La pollinisation est un service majeur pour la reproduction d'un grand nombre de végétaux. Ce service peut être perturbé par une altération des écosystèmes.
La pollinisation est un service majeur pour la reproduction d'un grand nombre de végétaux. Ce service peut être perturbé par une altération des écosystèmes.
Purification de
l'eau
Les écosystèmes aident à filtrer l'eau et à la débarrasser de ses impuretés; dans les sols, certains produits toxiques sont dégradés ou assimilés par les organismes.
Les écosystèmes aident à filtrer l'eau et à la débarrasser de ses impuretés; dans les sols, certains produits toxiques sont dégradés ou assimilés par les organismes.
Régulation des
catastrophes naturelles
La conservation d'écosystèmes côtiers, comme les mangroves, peut réduire les dommages causés par les ouragans ou les tsunamis.
La conservation d'écosystèmes côtiers, comme les mangroves, peut réduire les dommages causés par les ouragans ou les tsunamis.
Les services
culturels
L'importance
des écosystèmes pour l'âme humaine se manifeste dès les temps préhistoriques,
dans les dessins d'animaux et de plantes que l'on trouve sur les murs des
cavernes.
Ces services peuvent être d'ordre…
Ces services peuvent être d'ordre…
- spirituel et religieux (de nombreuses religions attachent
une valeur religieuse aux écosystèmes : ainsi par exemple les "bois
sacrés" en Afrique de l'Ouest),
- traditionnels (les écosystèmes permettent le
développement de connaissances),
- éducatif,
- esthétique,
- écotouristique (plaisir à se déplacer dans des
paysages d'intérêt),
- patrimonial (maintien de paysages historiquement
importants).
Le bilan du
Millennium Ecosystem Assessment :
La nécessité de changements radicaux
Au cours des
cinquante dernières années, l'Homme a modifié les écosystèmes plus
rapidement et plus profondément que durant toute période comparable de
l'histoire de l'humanité, en grande partie pour satisfaire une demande toujours
plus grande en matière de nourriture, d'eau douce, de bois, de fibre et
d'énergie, ce qui a entraîné une perte considérable et largement irréversible
de diversité de la vie sur la terre.
Quatre services
écosystémiques en progression, quinze en déclin
Ces changements ont permis des gains substantiels de production pour le bien-être humain et le développement économique, mais au prix d'une dégradation de nombreux services écosystémiques : sur les 24 services évalués par le Millennium Ecosystem Assessment (MEA), 4 sont en progression, 15 sont en déclin. Si l'on n'y remédie pas, la dégradation des services écosystémiques pourrait s'accroitre de manière significative pendant la première moitié de notre siècle, avec pour effet de diminuer considérablement les avantages que les générations futures pourraient tirer des écosystèmes.
Ces changements ont permis des gains substantiels de production pour le bien-être humain et le développement économique, mais au prix d'une dégradation de nombreux services écosystémiques : sur les 24 services évalués par le Millennium Ecosystem Assessment (MEA), 4 sont en progression, 15 sont en déclin. Si l'on n'y remédie pas, la dégradation des services écosystémiques pourrait s'accroitre de manière significative pendant la première moitié de notre siècle, avec pour effet de diminuer considérablement les avantages que les générations futures pourraient tirer des écosystèmes.
La nécessité de
changements radicaux
Selon certains scénarios, inverser le processus de dégradation des écosystèmes tout en répondant aux demandes croissantes des fonctions qu'ils fournissent est un défi qui peut être partiellement relevé. Mais cela nécessite des changements importants des politiques, des institutions et des pratiques, changements qui ne sont pas en voie de réalisation.
Selon certains scénarios, inverser le processus de dégradation des écosystèmes tout en répondant aux demandes croissantes des fonctions qu'ils fournissent est un défi qui peut être partiellement relevé. Mais cela nécessite des changements importants des politiques, des institutions et des pratiques, changements qui ne sont pas en voie de réalisation.
L'agroécologie,
réponse aux enjeux environnementaux
Le MEA a ainsi mis en évidence la nécessité de transformations radicales dans la manière de concevoir les systèmes agricoles de demain, en tenant compte de l'ensemble des services écosystémiques rendus à l'humanité. L'agroécologie se positionne comme une réponse à ces enjeux environnementaux et à ce changement de perspective en mettant la biodiversité au coeur du fonctionnement des agrosystème. Cela permettrait de dépasser les oppositions entre production et environnement comme le montre le schéma suivant extrait d'une autre expertise mondiale : l'IAASTD ("l'agriculture à la croisée des chemins")
Le MEA a ainsi mis en évidence la nécessité de transformations radicales dans la manière de concevoir les systèmes agricoles de demain, en tenant compte de l'ensemble des services écosystémiques rendus à l'humanité. L'agroécologie se positionne comme une réponse à ces enjeux environnementaux et à ce changement de perspective en mettant la biodiversité au coeur du fonctionnement des agrosystème. Cela permettrait de dépasser les oppositions entre production et environnement comme le montre le schéma suivant extrait d'une autre expertise mondiale : l'IAASTD ("l'agriculture à la croisée des chemins")
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vidéo : Haute définition (720p) / Standard (512p) / Smartphone (320p)
(Animation issue
du schéma de IAASTD, avec les explications
d'Alain Ratnadass (Cirad) pour l'UVED)
Pour télécharger
la retranscription de la vidéo, cliquez-ici
Dans la vision
présentée par cette animation, l'agriculture conventionnelle est caractérisée
par une forte productivité (axe des ordonnées) mais aussi par une faible
durabilité (axe des abscisses), notamment sur le plan environnemental.
Différentes pratiques agricoles - conservation des sols, protection intégrée,
diminution des intrants chimiques - permettent d'augmenter la durabilité
environnementale, au prix d'une diminution de la productivité.
3. Impacts
socio-économiques de la modernisation agricole
L'Agroécologie
comme alternative sociale
Bien souvent,
l'agroécologie ne s'intéresse pas aux seules techniques agronomiques, mais
également aux façons de s'organiser, de commercialiser ou encore de transformer
les produits agricoles. En cela, elle se veut une réponse autant aux
impacts environnementaux de la modernisation agricole qu'à ses impacts
socio-économiques.
Cette dimension
d'alternative sociale a pris, dans le temps et dans l'espace, des figures
différentes.
Nous reviendrons sur cette histoire dans les deux premiers volets de ce chapitre.
Nous reviendrons sur cette histoire dans les deux premiers volets de ce chapitre.
- Nous verrons comment l'agroécologie
est née dans les mouvements militants, au Brésil, en France, et plus tard
parmi les acteurs du développement international.
- Nous observerons comment
l'agroécologie a émergé dans l'opinion publique, avec un regard marqué par
la situation française.
Mais quels
sont-ils, ces impacts socio-économiques qui poussent à chercher une alternative
sociale ?
Véronique Lucas, sociologue, dégagera pour nous dans quatre vidéos les enjeux contemporains auxquels doivent faire face nos sociétés pour répondre aux impacts socio-économiques de la modernisation agricole:
Véronique Lucas, sociologue, dégagera pour nous dans quatre vidéos les enjeux contemporains auxquels doivent faire face nos sociétés pour répondre aux impacts socio-économiques de la modernisation agricole:
- Organiser autrement les marchés
- Construire des systèmes indépendants
de l'agrofourniture
- Transformer les logiques des
politiques publiques
- Réinventer le métier d'agriculteur
Nouvelle
actualité de l'Agroécologie
A partir de la fin des années 1980, les impacts socio-économiques de l'agro-industrialisation n'ont fait que s'accentuer : nous faisons face à des évolutions nouvelles (installation des biotechnologies dans le champ de l'agriculture, crises sanitaires, risques endémiques de crises alimentaires) mais sommes également confrontés à des bouleversements majeurs dont les conséquences n'en sont qu'à leurs débuts : réchauffement climatique, épuisement des énergies fossiles, explosion démographique.
A partir de la fin des années 1980, les impacts socio-économiques de l'agro-industrialisation n'ont fait que s'accentuer : nous faisons face à des évolutions nouvelles (installation des biotechnologies dans le champ de l'agriculture, crises sanitaires, risques endémiques de crises alimentaires) mais sommes également confrontés à des bouleversements majeurs dont les conséquences n'en sont qu'à leurs débuts : réchauffement climatique, épuisement des énergies fossiles, explosion démographique.
Ils sont bien sûr
au cœur de l'équation qui permettrait aux différents peuples de la planète de
se nourrir convenablement, de façon indépendante et en préservant durablement
l'environnement.
La naissance de
l'agroécologie dans les mouvements militants
L'agroécologie
comprend, dès son émergence, une dimension socio-économique qui peut aller
jusqu'à la définir comme mouvement social à part entière : c'est le
cas en Amérique latine, et plus particulièrement au Brésil. Dès sa naissance,
des militants politiques latino-américains se sont saisis du concept
d'agroécologie pour penser une alternative économique et sociale à
l'agriculture d'exportation. Mais d'autres acteurs à travers le monde
s'inscriront eux aussi dans cette vision militante de l'agroécologie, plus
particulièrement en France.
Brésil :
l'agroécologie comme réponse à l'exclusion sociale
- Dans les années soixante-dix, avant même qu'il soit question
d'agroécologie, apparaît au Brésil une
agriculture alternative qui se veut une réponse à
l'exclusion sociale de milliers de petits agriculteurs pauvres par la
révolution verte et par les logiques de la modernisation agricole. Cette
modernisation s'est particulièrement épanouie dans les latifundios,
ces grandes exploitations d'origine coloniale devenues des entreprises
capitalistes modernes spécialisées dans l'exportation et pratiquant
l'agriculture de plantation, mais aussi l'élevage extensif et, plus
récemment, la culture
intensive de soja.
- Au début des années 80, diverses composantes du mouvement
social brésilien se saisissent de l’agroécologie comme cadre pour penser
une alternative sociale et politique (voir la vidéo ci-dessous).
- Après l'arrivée au pouvoir du
président Lula en 2003,
l'agriculture écologique, reconnue par le ministère de l'agriculture
depuis 1999, inspirera plusieurs réformes politiques. Il en sera de même,
dans des contextes politiques différents, pour plusieurs autres pays
d’Amérique latine.
- La culture intensive du soja
Destinée à
l'exportation et à l'alimentation animale, la culture du soja, souvent
transgénique, a explosé au tournant du siècle, particulièrement en Argentine et
au Brésil.
Alfio Brandenburg,
sociologue, enseignant à l'université fédérale du Parana (Brésil), revient sur les origines de l'agriculture alternative au Brésil.
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vidéo : Haute définition (720p) / Standard (512p) / Smartphone (320p)
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la retranscription de la vidéo, cliquez-ici
"L'agroécologie
est politique"
Avec des
mouvements comme MAELA
(Movimiento Agroecológico de América Latina y el Caribe) ou Via Campesina
au plan mondial, l'agroécologie est devenue le point de ralliement de
nombreux militants : groupements de petits producteurs, syndicats,
communautés indigènes, associations rurales de femmes ou de jeunes, etc. Leur
perspective est clairement politique, comme l'a réaffirmé la déclaration du
Forum International sur l'Agroécologie qui s'est réuni au Mali en février 2015
: « L'agroécologie est politique ; elle nous demande de remettre en cause et
de transformer les structures de pouvoir de nos sociétés. Nous devons
placer le contrôle des semences, de la biodiversité, des terres et territoires,
de l'eau, des savoirs, de la culture, des biens communs et des espaces
communautaires entre les mains de celles et ceux qui nourrissent le monde » (pour en savoir plus, télécharger le texte complet).
France :
l'exception Pierre Rahbi
Si l'Europe est
pionnière en matière de labellisation des produits de l'agriculture biologique,
la référence à l'agroécologie comme mouvement social et politique demeure
minoritaire. L'apparition de l'agroécologie dans les discours est par ailleurs
plus tardive qu'en Amérique latine, avec une exception : en France, un
agriculteur se réclamant de l'agroécologie, Pierre Rahbi, a porté dès les
années 70 un courant philosophique et politique alternatif se proposant
de rompre avec le mythe de la croissance illimitée et de reconnecter l'humain avec la nature.
Précurseur, Pierre
Rahbi rencontre néanmoins un écho limité auprès des agriculteurs français,
même s'il rejoint ceux que l'on appelle les "néo-ruraux" (en savoir plus). C'est dans les villes que le
mouvement des Colibris qu'il a créé, « mouvement pour la Terre et l'humanisme
», trouve le plus d'adhérents.
La mobilisation
des acteurs du développement international
Dès 1985, Pierre
Rahbi créé également un centre de formation à l'agroécologie au Burkina Faso,
dans une approche mobilisant des pratiques d'agriculture biologique et visant à
l'autonomie alimentaire et économique des communautés. Son association
«Terre et Humanisme » prendra le relais. Divers acteurs associatifs, des ONG,
s'impliqueront dans cette mobilisation de l'agroécologie au service de
la solidarité et du développement international : c'est le cas du
Centre d'actions et de réalisations internationales (CARI),
d'Agronomes et vétérinaires sans frontières (AVSF)
ou encore d'Agrisud
international.
L'émergence de
l'agroécologie dans l'opinion publique
C'est dans les
années 2000 que le concept d'agroécologie sort du monde scientifique et du
cercle des organisations militantes pour toucher un plus large auditoire.
Plusieurs facteurs se conjuguent pour expliquer cette évolution qui a permis
d'une part l'entrée progressive de la thématique agroécologique dans l'opinion
publique et d'autre part l'émergence d'une mobilisation de consommateurs
désireux de peser dans l'organisation du système agroalimentaire.
Le « baptême »
politique et médiatique de l'agroécologie
Deux évènements
internationaux majeurs marquent le tournant des années 2000 et préparent le
terrain européen et français à une réception de l'agroécologie : en 1992, le
Sommet de la Terre de Rio (Conférence des Nations unies sur l'environnement
et le développement) popularise la notion de développement durable et met le
changement climatique et la diversité biologique à l'ordre du jour des
questions politiques mondiales; en 2008, en Amérique latine, en Haïti, en
Afrique et Asie, la flambée des prix alimentaires déclenche une série de
crises que l'on nommera «émeutes de la
faim».
C'est dans ce
contexte que se fait entendre la voix d'Olivier de Schutter, juriste,
universitaire belge et ancien secrétaire général de la Fédération
internationale des Ligues des droits de l'homme (FIDH), nommé en mars 2008 rapporteur
spécial des Nations unies sur le droit à l'alimentation. En mars 2011, dans
son rapport annuel remis au Conseil des Droits de
l'Homme, il appelle la communauté internationale à réorienter radicalement les
investissements publics vers des modes de production agroécologiques, en
affirmant que les rendements de ceux-ci peuvent aller jusqu'à dépasser ceux de
l'agriculture conventionnelle. Cet évènement, relayé par la presse
internationale, peut être considéré comme le « baptême » politique et
médiatique de l'agroécologie, sous le signe des droits de l'homme et de la
question de l'alimentation. Dans les colonnes du quotidien Le Monde,
c'est en mars 2011, au sujet de la publication du rapport d'Olivier de
Schutter, que le mot agroécologie apparait pour la première fois dans le titre
d'un article (8 mars 2011, « Pour nourrir la planète, l'« agroécologie »
doit remodeler l'agriculture » ).
Pour aller plus
loin
Lire l'article «
Les « émeutes de la faim » : du sous-investissement agricole à la crise
sociopolitique », par Marc Dufumier et Philippe Hugon, Revue Tiers Monde,
2008/4 (n°296)
> Pour en savoir plus cliquez ici
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La figure du
consommateur-citoyen
Les façons
d'acheter et de consommer des aliments représentent une véritable manière
d'agir pour changer de modèle de production.
De ce constat émerge la figure du consommateur–citoyen, autre facette de l'apparition de thématiques agroécologiques dans les opinions publiques occidentales. Cette figure se concrétise au sein de diverses associations, en particulier dans la création de réseaux reliant producteurs et consommateurs. Ainsi, inspirée d'expériences japonaises et nord-américaines, la première AMAP française (association pour le maintien d'une agriculture paysanne) voit le jour en 2001.
De ce constat émerge la figure du consommateur–citoyen, autre facette de l'apparition de thématiques agroécologiques dans les opinions publiques occidentales. Cette figure se concrétise au sein de diverses associations, en particulier dans la création de réseaux reliant producteurs et consommateurs. Ainsi, inspirée d'expériences japonaises et nord-américaines, la première AMAP française (association pour le maintien d'une agriculture paysanne) voit le jour en 2001.
Agroécologie et
systèmes alimentaires
Dans cette figure,
deux caractéristiques de l'agroécologie sont particulièrement mises en valeur :
la première caractéristique est qu'elle est intimement liée aux systèmes
alimentaires. Ecoutons l'analyse de Philippe Pointereau, directeur du pôle
Agroécologie de Solagro, une entreprise associative qui propose une expertise
dans les domaines de l'agriculture, de l'énergie et de l'environnement.
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vidéo : Haute définition (720p) / Standard (512p) / Smartphone (320p)
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la retranscription de la vidéo, cliquez-ici
Philippe
Pointereau évoque la crise du cheval (la vente par un sous-traitant français, à
des fabricants de plats cuisinés, de viande de cheval comme étant de la viande
de bœuf). Les diverses crises sanitaires survenues ces dernières années
ont sans conteste sensibilisé les consommateurs aux enjeux alimentaires de la
production et de la transformation agricole.
Agroécologie et
gouvernance participative
La deuxième caractéristique
que porte la figure du consommateur–citoyen est la valorisation d'un modèle
participatif : dans les Amap, par exemple, le consommateur est un acteur
direct de l'économie locale. Ce modèle participatif est présent dès les
origines de l'agroécologie, dans le mouvement social (ainsi par exemple des
systèmes de certification participative développés au Brésil), mais aussi dans
la recherche (travail commun entre agriculteurs porteurs du savoir paysan et
chercheurs en agronomie).
Il ne s'agit pas là d'une simple méthode de travail, mais bien d'un changement de modèle social : l'agriculteur comme le consommateur ne sont plus dépendants d'un système industriel qui leur impose, sans leur laisser de marge de manœuvre, un « paquet technique » pour l'un, des produits agricoles transformés sans transparence pour l'autre.
Il ne s'agit pas là d'une simple méthode de travail, mais bien d'un changement de modèle social : l'agriculteur comme le consommateur ne sont plus dépendants d'un système industriel qui leur impose, sans leur laisser de marge de manœuvre, un « paquet technique » pour l'un, des produits agricoles transformés sans transparence pour l'autre.
Pour certains,
cette appropriation de l'agroécologie par les agriculteurs et par les
consommateurs à travers des dispositifs participatifs est indispensable
pour éviter que l'agroécologie ne soit réduite à un
«verdissement» de l'agriculture conventionnelle.
Un «
verdissement » de l'agriculture conventionnelle
Selon Silvia
Pérez-Vitoria, économiste et sociologue, « on fait passer tout et n'importe
quoi sous le terme « agroécologie ». J'ai même entendu récemment un agriculteur
industriel qui expliquait très clairement « J'ai toujours fait de
l'agroécologie, je fais de l'agroforesterie (...), je recycle, j'utilise très
peu d'intrants de synthèse, je fais de l'agriculture de précision, je fais du
semis direct ». Et justement, si l'on en reste aux questions techniques, on
peut mettre tout et n'importe quoi (sous le terme agroécologie)» (source :
UVED)
La durabilité
environnementale entre dans l'agenda politique français
En France, c'est à
Stéphane Le Foll, ministre de l'Agriculture, que l'on doit
l'institutionnalisation de l'agroécologie à travers la loi du 13 octobre
2014, « loi d'avenir
pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt ». A côté de
mesures visant à limiter l'usage des pesticides, à juguler la disparition des
terres agricoles et l'agrandissement des exploitations ou encore à sanctionner
le trafic du bois, la loi crée les groupements d'intérêt économique et
environnemental (GIEE), collectifs d'agriculteurs qui pourront bénéficier
d'aides publiques supplémentaires s'ils mettent en place des pratiques
agroécologiques. Elle redéfinit également les objectifs de l'enseignement
agricole technique et supérieur, avec l'ambition d'apprendre à «
produire autrement ».
A lire : un
court extrait de la loi du 13 octobre 2014
« Les politiques publiques visent à promouvoir
et à pérenniser les systèmes de production agroécologiques, dont le mode de
production biologique, qui combinent performance économique, sociale, notamment
à travers un haut niveau de protection sociale, environnementale et sanitaire.
Ces systèmes
privilégient l'autonomie des exploitations agricoles et l'amélioration de leur
compétitivité, en maintenant ou en augmentant la rentabilité économique, en
améliorant la valeur ajoutée des productions et en réduisant la consommation
d'énergie, d'eau, d'engrais, de produits phytopharmaceutiques et de médicaments
vétérinaires, en particulier les antibiotiques. Ils sont fondés sur les
interactions biologiques et l'utilisation des services écosystémiques et des
potentiels offerts par les ressources naturelles, en particulier les ressources
en eau, la biodiversité, la photosynthèse, les sols et l'air, en maintenant
leur capacité de renouvellement du point de vue qualitatif et quantitatif. Ils
contribuent à l'atténuation et à l'adaptation aux effets du changement
climatique.
L'Etat encourage
le recours par les agriculteurs à des pratiques et à des systèmes de cultures
innovants dans une démarche agroécologique. A ce titre, il soutient les acteurs
professionnels dans le développement des solutions de biocontrôle et veille à
ce que les processus d'évaluation et d'autorisation de mise sur le marché de
ces produits soient accélérés.
L'Etat facilite
les interactions entre sciences sociales et sciences agronomiques pour
faciliter la production, le transfert et la mutualisation de connaissances, y
compris sur les matériels agricoles, nécessaires à la transition vers des
modèles agroécologiques, en s'appuyant notamment sur les réseaux associatifs ou
coopératifs. »
Extrait de la loi n°
2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt
L'agroécologie
est-elle compatible avec la compétitivité ?
Cette
institutionnalisation pourrait-elle faire perdre à l'agroécologie sa force de
transformation sociale ? C'est ce que craignent certains, prenant pour exemple
une agriculture biologique qui serait dévoyée par les contraintes de la grande
distribution. Ainsi, dans un communiqué de presse du 30 janvier 2015, la
Confédération paysanne dénonce un texte qui porterait, « en germe, le
risque de fournir un label « agro-écologique » à tous (...)». Et de
poursuivre : « L'ambition agro-écologique ne peut voisiner avec des
politiques publiques qui favorisent la « compétitivité », l'industrialisation,
l'exclusion des fermes petites ou diversifiées (...)».
Pour Stéphane
Le Foll au contraire, agroécologie
et compétitivité sont pleinement compatibles. "Ne caricaturons pas
en considérant qu'une agriculture ‘ vertueuse ‘ s'oppose à une agriculture
'productiviste', déclarait-il en février 2013 dans une interview à la revue
Projet (n°332). Cessons d'opposer économie et environnement : nous devons à
la fois augmenter notre niveau de production et préserver les ressources."
C'est sur ce même
thème de la "double performance" que le ministre de l'Agriculture,
de l'Agroalimentaire et de la Forêt s'exprimait devant l'Assemblée nationale en
introduisant le 7 janvier 2014 l'examen de la loi d'avenir sur l'agriculture
(vidéo ci-dessous).
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Pour aller plus
loin
- Découvrir le plan d'action "agroécologie"
du ministère
- Lire le dossier du numéro 332 (février
2013) de la revue Projet : " Agriculture : écologie pour tous ? "
On découvrira
également dans la vidéo suivante les cinq objectifs du tableau de bord
agroécologie, présentés par le ministre lors d'un colloque organisé par
l'INRA en 2013.
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Une transition
sociale et economique
Comment l'agroécologie
peut-elle se penser comme une transition non seulement agronomique mais
aussi sociale et économique ? Structuration des exploitations agricoles qui
rend possible la biodiversité, organisation de circuits commerciaux qui n'isole
pas les petits producteurs, économie de la production qui ne pousse pas à
l'utilisation d'intrants, métier d'agriculteur qui ne soit pas synonyme de
paupérisation... : ces quelques exemples illustrent la dimension
holistique de l'agroécologie.
Afin de mieux
comprendre ces enjeux socioéconomiques, avec Véronique Lucas, sociologue,
nous allons nous arrêter sur quatre défis auxquels nous devons faire face pour
répondre aux impacts socio-économiques de la modernisation agricole :
1- Organiser autrement les marchés
2- Construire des systèmes indépendants de l'agrofourniture
3- Transformer les logiques des politiques publiques
4- Réinventer le métier d'agriculteur.
1- Organiser autrement les marchés
2- Construire des systèmes indépendants de l'agrofourniture
3- Transformer les logiques des politiques publiques
4- Réinventer le métier d'agriculteur.
La dimension
holistique : Point de vue qui
consiste à considérer les phénomènes comme des totalités
Organiser autrement les marchés
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Pour la
retranscription de la vidéo, cliquez-ici
Construire des
systèmes indépendants de l'agrofourniture
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Transformer les
logiques des politiques publiques
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Réinventer le métier d'agriculteur
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Réinventer le
métier d'agriculteur : deux points de vue complémentaires
Michel Griffon, économiste (Cirad) : "Le métier
d'agriculteur va devenir beaucoup plus intellectuel que par le passé". Voir la
vidéo ci-dessous (source : UVED).
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Pour la
retranscription de la vidéo, cliquez-ici
Marc Dufumier, agronome (AgroParisTech) :" (Il
faut) autoriser les paysans à sélectionner eux-mêmes les variétés et à les
échanger entre eux". Voir la vidéo ci-dessous (source :
UVED).
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Pour la
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4. Impacts
culturels de la modernisation agricole
Gestionnaires
de la nature
La modernisation
agricole s'est appuyée sur un certain type de relation à l'environnement :
l'homme occidental moderne se donne un rôle de gestionnaire de la nature,
un gestionnaire positionné au centre du monde. Aujourd'hui, ce modèle de
relations entre l'homme et la nature est remis en question : l'agroécologie est
une illustration des évolutions en cours.
Les années 50 :
l'agriculture rationalisée
Notre point de départ sera l'agriculture de l'après seconde guerre mondiale, soit les années 1950.
A cette période, en France, les enjeux sont à l'autosuffisance alimentaire. L'agriculture a bénéficié de progrès technologiques indéniables et de recherches sur la chimie effectuées durant la guerre. L'objectif est à la performance de production.
Pour atteindre cet objectif, l'agronomie se développe comme une science « problem-oriented » . Les agrosystèmes sont considérés comme stables grâce à leur rationalisation et à la réduction de la diversité de l'environnement (traitement ou disparition des bords de champs, développement des monocultures...). Les sciences agronomiques se sont spécialisées et orientées vers un réductionnisme transformant les questions complexes en objets monodisciplinaires (source : Refonder la recherche agronomique, 193-226, in Chevassus-au-Louis, Les défis de l'agriculture au XXI° siècle. Les leçons inaugurales du groupe ESA, 2006).
La nature comme
ressource à gérer
Cette agriculture productiviste va de pair avec une vision gestionnaire de la « nature », vision fondée sur une approche techniciste c'est-à-dire en accordant à la technique et à la technicisation une place prédominante. L'objectif est de contrôler un environnement, lui-même assimilé à une ressource. En outre, l'homme occidental considère être au centre de l'univers.
L'agriculture d'après-guerre est donc liée à une certaine vision du monde. Sa réussite est possible si la nature est considérée comme un ensemble de ressources au service de l'humain, ressources que celui-ci doit gérer et dont, au mieux, il doit prendre soin. Mais cela induit le fait que l'humain se distingue de l'environnement, justement pour pouvoir le gérer. C'est ce qu'on appelle la séparation homme/nature.
L'agriculture,
reflet des choix culturels d'une société
L'agriculture n'est qu'un élément parmi d'autres reflétant les choix culturels d'une société. La façon dont nous nous représentons le monde est une construction : ainsi, en sciences sociales, les processus qui nous permettent de donner du sens au monde sont appelées “représentations”. Ces représentations sont spécifiques à chaque culture et, dans ce cadre, nos pratiques sont influencées par l'idée que nous nous faisons de notre environnement. Les représentations individuelles et collectives constituent le fondement de notre rapport au monde. En d'autres termes, la façon dont nous nous représentons le monde oriente quotidiennement la société, dans tous les domaines.
Qu'est-ce
qu'une représentation sociale ?
Selon la
psychosociologue Denise Jodelet (Les représentations sociales, PUF,
1994, pp.36-37), les représentations sociales sont « une forme de connaissance,
socialement élaborée et partagée, ayant une visée pratique et concourant à la
construction d'une réalité commune à un ensemble social ». Les
représentations sont donc des constructions qui donnent du sens au monde
dans lequel vivent les individus.
Les
représentations dépendent de nos perceptions qui suggèrent le fait de se
saisir d'un objet par les sens (visuel, auditif, tactile) ou par l'esprit
(opération mentale). Elles sont donc influencées à la fois par nos perceptions
corporelles (une couleur que nous aimons ou pas lorsqu'on entre dans une pièce,
une odeur qui fait référence à du plaisir ou à du dégoût...) et par notre
raisonnement.
Trier les
informations en fonction de normes et de critères culturels
Lorsqu'une représentation se créée, deux processus se mettent en oeuvre : « l'objectivation », avec la constitution d'un noyau figuratif, puis « l'ancrage ». Ils ont été décrits par Moscovici (La Psychanalyse, son image et son public, PUF,1961). Nous n'allons pas entrer dans le détail des processus. Une seule étape sera soulignée, celle du processus d'objectivation qui permet aux gens de s'approprier et d'intégrer des phénomènes ou des savoirs complexes. Cette étape comprend le tri des informations en fonction de critères culturels et surtout normatifs, ce qui signifie qu'une partie des informations est exclue. L'ensemble des représentations sociales se construit ensuite à partir des éléments sélectionnés, dans une élaboration collective de références acceptées par tous.
Travailler sur les
représentations doit permettre de prendre conscience du choix opéré dans
le tri initial des informations et de sa relativité. Une autre société aura
effectué d'autres choix et aura abouti à une autre culture, à d'autres valeurs,
savoirs et pratiques sur la base d'informations triées différemment. Enfin, en
plus de ces processus, les représentations sont une combinaison de
l'inconscient collectif de la société d'appartenance avec la culture
familiale, technique, sociale, etc, d'un individu (Sylvie Sens et Véronique Soriano,
Parlez-moi d'élevage : analyse de représentations d'éleveurs : livret
méthodologique, 2001).
Pour aller plus loin sur les représentations d'acteurs autour d'un enjeu agroenvironnemental : http://webdocs.cdrflorac.fr/logique_d_acteurs/#Methodologie
Pour aller plus loin sur les représentations d'acteurs autour d'un enjeu agroenvironnemental : http://webdocs.cdrflorac.fr/logique_d_acteurs/#Methodologie
Un exemple de
représentation
Prenons l'exemple des représentations de la femme : elles varient selon les époques, les régions du monde, les milieux sociaux. L'image de l'idéal féminin est bien une construction sociale.
A gauche : la Vénus de Lespugue (- 26 000 à –
24 000 ans av. JC). A droite : une poupée Barbie.
Ces images renvoient à deux représentations de la féminité. Les canons préhistoriques valorisaient une fertilité généreuse, signe de survie de la société. La poupée Barbie renvoie, elle, à une société occidentale offrant à ceux qui réussissent socialement l’accès aux loisirs et à une alimentation équilibrée, leur permettant d'obtenir un corps sportif, mince et bronzé.
Ainsi, la beauté d’une femme en -25 000 avant JC ou la beauté dans nos sociétés occidentales n’est pas la même parce qu’elle répond à une construction sociale différente. Cette dernière est élaborée en privilégiant certains critères, choix basés sur de représentations : de la nourriture, des activités physiques, de la santé, de la fertilité, de la richesse, etc.
Histoire des
relations homme-nature
De la Grèce
antique jusqu'aux Lumières, l'Occident a séparé l'homme de la nature. Ainsi,
avec le développement de l'écriture se diffuse un regard distancié sur la
nature : celle-ci devient objet d'observation rationnelle. Le mouvement se
poursuit en Occident avec la généralisation d'un regard qui considère la nature
comme mise à disposition de l'homme.
En Europe, le XVIè
siècle est le siècle de l'humanisme,
mouvement intellectuel qui renoue avec la civilisation gréco-latine et
manifeste un vif appétit de savoir, visant l'épanouissement de l'homme, rendu
plus humain grâce à la culture. L'homme se place au centre du monde et regarde
l'univers depuis cette place. Ce mouvement se poursuit avec la période des
Lumières et le cartésianisme. La nature est réduite à une mécanique
dont on peut expliquer les lois.
La séparation
homme/nature relativisée
Mais, en Occident, depuis quelques années, cette dichotomie homme/nature est remise en question. Certains auteurs ont constaté que les frontières entre ce qui est considéré comme « naturel » et ce qui vu comme « culturel » ne sont plus aussi nettes. En effet, une plante dont les gènes ont été modifiés peut-elle être qualifiée de «naturelle » ? Et une vache qui mange des farines animales ?
En outre, la valorisation dans notre société d'autres façons de voir le monde, et notamment de sociétés pour lesquelles le mot « nature » lui-même n'existe pas puisque les humains sont totalement intégrés à cette nature, relativise notre vision occidentale.
Pour aller plus loin, écouter l'émission Autour de la question (RFI). Caroline Lachowsky reçoit Stéphane Ferret, docteur en philosophie et consultant d'entreprise pour tenter de répondre à la question : « Comment repenser notre rapport à la nature ? ».
La redécouverte
des savoirs locaux
La relativisation de notre regard sur le monde comme unique vérité amène à nous intéresser à d'autres cultures. Ainsi, en complément de solutions strictement scientifiques aux problèmes environnementaux, on se penche sur ce qui pourrait offrir des pistes nouvelles : la société (si tant est qu'il existe une Société unique, mais nous utiliserons ce terme dans un souci de simplification) se tourne alors vers les savoirs « locaux ».
Ce mouvement va de pair avec la redécouverte des savoirs locaux comme permettant la protection de la biodiversité, notamment à l'occasion de la conférence de Rio (Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement), en 1992.
De l'article 8j de la Convention de la Diversité Biologique (article intitulé “Traditional Knowledge, Innovations and Practices") jusqu'au « Programme Savoirs Locaux » de la Banque Mondiale en passant par la création en 1994 d'une section permanente sur les peuples indigènes au sein de l'Organisation Internationale des Évaluations d'Impact (IAIA), les décideurs multiplient les recommandations pour, afin de leur assurer efficience et durabilité, baser les processus de développement économique sur les pratiques des communautés locales.
Les travaux d'ethnoscience (qu'est-ce que l'ethnoscience?) sont eux aussi redécouverts pour tenter d'y trouver des pistes pour une gestion plus respectueuse de l'environnement, sans toutefois réduire ces savoirs à des « recettes » décontextualisées du milieu qui a permis leur existence, comme le soulignent de nombreux auteurs. Cette situation rejoint tous les travaux d'agronomie qui ont démontré l'intérêt empirique de prendre en compte les connaissances issues de la pratique.
Agroécologie :
La nature comme partenaire
Nous le verrons
lors de notre deuxième séquence : l'agroécologie ne recouvre pas une seule
définition. Mais aussi diverses soient-elles, les approches agroécologiques
questionnent toutes des pratiques négligeant les enjeux environnementaux.
Beaucoup d'acteurs
soulignent qu'en agroécologie, la place de l'agriculteur change. De
technicien appliquant des recettes chimiques, il devient un acteur retrouvant
confiance en son sens de l'observation des agroécosystèmes. Avec la
réintroduction de la complexité et de l'incertitude dans les agrosystèmes
apparaît un fort enjeu : il s'agit de faire place à la biodiversité dans les
fermes, d'accepter les éléments naturels comme partenaires de l'acte de
production, d'abandonner la volonté d'une maîtrise totale de tous les éléments
de production. L'aléa n'est plus quelque chose à éliminer mais devient
constitutif d'une situation.
Un autre
rapport au savoir
L'agriculteur retrouve ainsi un peu de proximité avec les éléments naturels et leur laisse plus de marge de manœuvre, afin de « faire avec eux ». Des savoirs se construisent dans la proximité avec les éléments naturels, dans la relation de partenariat entretenue entre chaque agriculteur et les éléments naturels. On parle d'écosavoirs (Anne Moneyron, Transhumance et éco-savoirs, L'Harmattan, 2003).
Sur ces bases,
certains courants d'agroécologie participent à une réflexion sur nos liens à la
« nature» (dans quelle mesure acceptons-nous de « laisser la main » aux
éléments naturels ?) et sur nos liens aux savoirs et à leur construction,
dans l'interaction avec les éléments naturels. Aujourd'hui, les savoirs
d'origine académique et les savoirs d'origine empirique sont hybridés. La
science n'a plus le monopole de l'information, mais les praticiens agricoles y
puisent leur inspiration, pour inventer de nouvelles pratiques.
VIDEO
"La nature comme partenaire", par Aurélie Javelle, ethnologue.
"La nature comme partenaire", par Aurélie Javelle, ethnologue.
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vidéo : Haute définition (720p) / Standard (512p) / Smartphone (320p)
Pour télécharger
la retranscription de la vidéo, cliquez-ici
Pour en savoir
plus
- Sur les relations aux "objets de
nature" : vidéo
de la conférence Agropolis Fondation donnée par Aurélie Javelle, en mai
2015 : "Les relations aux objets de nature dans
l'écologisation de l'agriculture : un regard ethnologique".
- Sur l'agriculture rationalisée : Nathalie Girard, Quels sont les
nouveaux enjeux de gestion des connaissances ? L'exemple de la transition
écologiques de systèmes agricoles, Revue internationale de psychologie
et de gestion des comportements organisationnels, 2014, 49, 51-78.
- Sur la séparation de l'homme et de la
nature en Occident :
Sabine Rabourdin, Replanter les consciences, une refondation de la
relation homme/nature, Yves Michel, 2012.
- Sur les relations entre science et
société concernant
les enjeux environnementaux : Jacques Theys et Bernard Kalaora, La
Terre outragée, Diderot Multimédia, 1992.
- Sur les savoirs locaux : Histoire et épistémologie des savoirs
locaux et autochtones,
Marie Roué, Revue d'ethnoécologie, 2012. http://ethnoecologie.revues.org/813
Suite : Les différentes approches de l'Agroécologie ICI
D'autres documents sur l'agroécologie ICI
Qu'est-ce-que l'agroécologie