1. Introduction :
définitions de l'Agroécologie
Les trois
dimensions de l'agroécologie
L’agroécologie
recouvre une grande diversité d’approches, de définitions, de manières de
mettre en œuvre ses principes. Pour y voir plus clair, Alexander Wezel, dans un ouvrage paru en 2009, propose
de distinguer trois dimensions dans l'agroécologie : discipline
scientifique, mouvements sociaux et politiques, ensemble de pratiques
Nous avons vu dans
la séquence précédente comment l’émergence de l’agroécologie s’est opérée à
travers des dynamiques sociales et politiques, des déplacements de postures et
de points de vue.
Dans cette
séquence, nous approfondirons les deux autres dimensions : les approches
scientifiques de l’agroécologie et les pratiques agroécologiques.
Mais préalablement, nous analyserons quelques définitions de l’agroécologie.
Définitions de
l'agroécologie
Il n’existe pas
une seule manière de définir et de travailler sur l’agroécologie. Les
différentes définitions de l’agroécologie révèlent différents points de vue
mais aussi une évolution de ce concept dans le temps.
A partir d’une
volonté d’intégrer les principes de l’écologie à la redéfinition de
l’agronomie, la définition de l'agroécologie s’est progressivement élargie à l’étude
des systèmes alimentaires puis aux rapports entre production alimentaire
et société au sens plus large.
Dans les deux
videos qui suivent, Alexander Wezel (ISARA - Lyon) présente cette diversité
de définitions. Nous approfondirons ensuite l'évolution de ces définitions
au cours du temps.
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Des définitions
qui évoluent
Les définitions
de l'agroécologie ont évolué en fonction du point de vue des auteurs, de
l'évolution des disciplines scientifiques et des enjeux sociétaux. Les
définitions suivantes sont présentées dans un ordre chronologique. Analysez-les
en repérant les évolutions en termes de connaissances mobilisées, d'échelles
d'étude, de finalités.
Un exercice permettra ensuite de vérifier vos connaissances.
Un exercice permettra ensuite de vérifier vos connaissances.
Qu'est-ce que
l'agroécologie ?
D'une gestion
alternative de l'agro-écosystème...
Selon Miguel A.
Altieri (1989) : "Une approche scientifique utilisée
pour étudier, diagnostiquer et proposer un mode de gestion alternatif
de l'agro-écosystème avec de faibles intrants"
Selon Miguel A.
Altieri (1995) : "Une discipline qui définit,
sur les principes de base de l'écologie, comment étudier,
concevoir et gérer des agro-systèmes qui à la fois, sont productifs,
conservent les ressources naturelles, sont en cohérence avec la culture locale,
sont socialement justes et sont économiquement viables."
Selon Stephen R.
Gliessman (1998) : "L'application de concepts et principes
écologiques pour concevoir et gérer des agro-écosystèmes durables."
Selon Miguel A.
Altieri (2001) : « L’étude holistique des agro-écosystèmes,
intégrants les composantes environnementales et humaines (...). Un champ
cultivé est vu comme un système complexe, dans lequel les processus
écologiques se déroulent, comme dans les écosystèmes naturels : cycle des
nutriments, relations proies – prédateurs, compétition, symbiose, etc. »
... à la prise
en compte du système alimentaire...
Selon Tommy
Dalgaard et al. (2003) : "Une discipline intégrée
qui prend en considération des connaissances de l'agronomie, l'écologie, la
sociologie et l'économie."
Selon Charles Francis
et al. (2003) : "L'étude intégrée de l'écologie du système
alimentaire, prenant en compte les dimensions écologique, économique et
sociale."
Selon Stephen R.
Gliessman (2007) : "La science de l'application de concepts et
principes de l'écologie pour la conception et la gestion des systèmes
alimentaires durables."
... et des
différents acteurs et formes de l'agroécologie
Selon Olivier de
Schutter (2010) : « Les approches agroécologiques suivent
le principe de l’agroécologie, qui est une application de la science
écologique à l’étude, la conception et la gestion d’agro-écosystèmes durables.
L’agriculture biologique, l’agriculture de conservation, l’agroforesterie, la
lutte biologique, les cultures associées et la gestion mixte culture-élevage
sont tous associés à l’agroécologie. L’agroécologie comprend l’observation
des systèmes traditionnels, l’utilisation de savoirs locaux de gestion des
agro-écosystèmes, mais aussi la science moderne. Elle ne s’oppose pas à
la technologie. La fertilité des agro-écosystèmes et la gestion phytosanitaire
y sont essentiellement fournies par les interactions appropriées dans
l’écosystème plutôt que par l’utilisation d’intrants externes tels que les
pesticides et les fertilisants chimiques. »
LA VISION
D'OLIVIER DE SCHUTTER
Ancien
rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation à l'ONU, Olivier de Schutter
présente sa définition de l'agroécologie lors d'une conférence à l'Institut des
Régions Chaudes (Montpellier SupAgro) :
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Pour aller plus
loin
2. Les approches
scientifiques de l'Agroécologie
Introduction
A ses origines,
l’agroécologie désignait l’utilisation des méthodes et concepts de
l’écologie en agriculture.
Cette approche est toujours très présente, parfois de manière radicale, comme Jacob Weiner par exemple, qui, dans un ouvrage de 2003, propose que l’écologie soit la science de l’agriculture au 21ème siècle. L’écologie et l’agronomie n’auraient pas noué de liens suffisamment féconds et les interactions se feraient plus sur le mode conflictuel que coopératif (nous y reviendrons dans l'analyse du texte de Chevassus-au-Louis, 2006).
Cette approche est toujours très présente, parfois de manière radicale, comme Jacob Weiner par exemple, qui, dans un ouvrage de 2003, propose que l’écologie soit la science de l’agriculture au 21ème siècle. L’écologie et l’agronomie n’auraient pas noué de liens suffisamment féconds et les interactions se feraient plus sur le mode conflictuel que coopératif (nous y reviendrons dans l'analyse du texte de Chevassus-au-Louis, 2006).
En effet, pendant
longtemps, pour l’écologie, les écosystèmes cultivés ont manqué d’intérêt
: leur biodiversité est faible et "banale", les perturbations
fréquentes auxquelles ils sont soumis via les techniques culturales
déstabilisent les dynamiques écologiques et les amènent loin de l’équilibre. Quant
à l’agronomie, elle a longtemps considéré que les approches écologiques
manquaient d’efficience et d’opérationnalité et ne savaient pas prendre en
compte la place de l’agriculteur dans l’agro-écosystème. Certes des ponts
existaient, par exemple en ingénierie écologique ou en agronomie des paysages,
mais les liens restaient ténus.
Les évolutions du
contexte et des enjeux ont changé la donne : s’il faut mobiliser les processus
écologiques pour produire plus et mieux avec moins, alors il est nécessaire de
rapprocher ces deux disciplines. Chacune d’elle s’est déplacée :
l’agronomie a mis le projecteur sur les régulations biologiques dans les
agrosystèmes, l’écologie s’est plus intéressée aux systèmes gérés par des
agriculteurs.
Avant d'analyser
ces déplacements, revenons rapidement sur les enjeux avec une vidéo.
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Agronomie
L'agronomie est
une science pour l'action, fondée sur l'observation et la connaissance des
systèmes agricoles et sur la mise en œuvre de démarches pour gérer leur
gestion. L'approche scientifique de l'agronomie se développe au 19ème siècle,
grâce notamment aux progrès de la chimie et à la démonstration que les plantes
peuvent s'alimenter uniquement à partir d'éléments minéraux. Cela a ouvert la
voie à la construction de connaissances agronomiques pour (1) mieux
comprendre comment les plantes et les animaux valorisent les ressources du
milieu et (2) gérer la production grâce à plusieurs leviers : l'usage
d'intrants (engrais puis produits phytosanitaires pour les végétaux), la
mécanisation et le progrès génétique.
A la fin du 20ème
siècle, l'agronomie a développé une approche systémique en intégrant
l'analyse des interactions entre les différentes composantes de l'agrosystème
pour évaluer les performances et concevoir des systèmes techniques optimisant
les complémentarités et valorisant les synergies entre ces composantes, à
différentes échelles : la parcelle cultivée, la ferme, le territoire...
Les concepts et
démarches de l'agronomie systémique sont largement utilisés en
agroécologie pour "étudier, diagnostiquer et proposer un mode de
gestion alternatif de l'agro-écosystème" (Altieri, 1989). Toutefois,
pour l'agronome, concevoir des systèmes techniques qui s’appuient sur
les fonctionnalités écologiques de l’agrosystème change la perspective. En
effet, il ne s’agit plus de lever les facteurs limitant la production grâce aux
intrants mais d’activer des processus écologiques pour en faire des facteurs de
production (et fournir des services écosystémiques). On peut parler
d'un changement de paradigme.
L’agroécologie
bouscule ainsi l’agronomie en l’invitant à développer de nouvelles démarches
scientifiques, à s’intéresser plus à certains objets de recherche comme par
exemple la composante biologique de l’agrosystème ou à construire de nouvelles
manières de faire de la recherche. Cela s’inscrit dans une réflexion plus
large sur la nécessité de refonder la recherche agronomique.
Pour approfondir
ce point, nous vous proposons de lire la communication de Bernard
Chevassus-au-Louis (2006) : "Refonder la recherche agronomique : leçons du passé,
enjeux du siècle". A partir d'une analyse historique des manières
de considérer l'innovation et de la construction de l'agronomie, l'auteur
propose deux voies pour aller vers ce qu'il appelle une agronomie intégrale :
"socialiser l'agronomie" et "construire la triple alliance entre
agronomie, sciences sociales et écologie". Une proposition qui entre en
résonnance avec l'agroécologie. Vous pouvez bien sûr lire le texte en
entier mais pour vous permettre une lecture plus rapide (environ 10 mn), nous
avons sélectionné des passages essentiels surlignés en jaune, au début et à la
fin du texte.
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Pour aller plus
loin
- Agro-écologie : quels principes dans les agro-écosystèmes
tropicaux ? Conférence d'Eric Malézieux (CIRAD, UR Hortsys) et
Harry Ozier-Lafontaine (INRA, Centre de recherche Antilles-Guyane) au
Salon Internationnal de l'Agriculture en 2013 dans la session : Quelles
recherches en agro-écologie ?
- Moins de technique, plus de nature : pour une
portée heuristique de l’écologisation des pratiques agricoles. Un
article de Jean-Marc Barbier (INRA, UMR Innovation) et Frédéric Goulet
(CIRAD, UMR Innovation) paru dans la revue Nature, Sciences, Sociétés (21,
200-210) en 2013
- Agriculture et écologie : tensions, synergies et enjeux
pour l'agronomie. Un numéro spécial de la revue Agronomie, Environnement
et Sociétés (vol.2, n°1) paru en juin 2012.
- Un cadre conceptuel pour penser maintenant (et organiser
demain) la transition agroécologique de l’agriculture dans les territoires
(M. Duru et al.). Un article de Michel Duru, M'hand Fares et Olivier
Therond (INRA, UMR AGIR) paru dans la revue Cahiers Agricultures en avril
2014.
Pourquoi l’écologie dans l’agroécologie ?
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Différents
concepts d’écologie qui peuvent être mobilisé pour l’agroécologie
Le concept des filtres environnementaux
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Le concept des
traits fonctionnels : Application
pour l’enherbement des cultures pérennes
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Les concepts
des réseaux trophiques, niche, allelopathie : Application pour la lutte contre les
ravageurs de culture
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Appliquer les
concepts d’écologie pour des systèmes innovants : Le cas du semis direct
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Les schémas ont
été réalisés à l'aide d'une iconographie créée par O. Husson, CIRAD/UPR AIDA et
issue du Manuel pratique du semis direct à Madagascar (en accès libre sur la librairie virtuelle
sur l'agroécologie)
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Sciences
économiques et sociales
L’inclusion des
sciences économiques et sociales dans l’agroécologie n’est pas nouvelle. Elles
sont présentes dès les années 80 dans les écrits fondateurs de l’agroécologie,
considérée par les auteurs comme une alternative au modèle dominant
d’agriculture industrielle (Altieri,
1987 ; Gliessman,
1990 ; Altieri,
1995). Menant leurs recherches sur des systèmes en agriculture biologique,
agroforesterie etc., ils montrent l’importance de combiner des savoirs
paysans et des connaissances écologiques pour concevoir et conduire des
systèmes techniques valorisant la biodiversité cultivée. On observe un
élargissement des échelles d’analyse : partant des processus écologiques à
l’échelle de la parcelle et de l’agro-écosystème, l’agroécologie intègre
progressivement l’écologie du système alimentaire (Francis
et al., 2003) et sa transformation (Gliessman,
2011), considérant que l'agroécologie ne peut se développer sans la
mobilisation de mouvements citoyens. Les sciences sociales analysent les
mouvements alternatifs se réclamant de pratiques ou de mouvements
agroécologiques (Goulet
et al., 2012) ainsi que l’écologisation des politiques publiques (Deverre
& de Sainte Marie, 2008).
Altieri, M. A. (1987)
"Agroecology. The scientific basis of alternative
agriculture". Westview Press 227 pp
Altieri, M. A. (1995)
"Agroecology: the science of sustainable
agriculture," Westview Press, Boulder, Colorado. 433 pp
Gliessman, S. R. (1990)
"Agroecology: researching the ecological basis
for sustainable agriculture," Ecological studies Springer-Verlag, New-York
(USA). 380 pp
Francis, C., Lieblein, G., Gliessman, S., Breland, T.
A., Creamer, N., Harwood, R., Salomonsson, L., Helenius, J., Rickerl, D.,
Salvador, R., Wiedenhoeft, M., Simmons, S., Allen, P., Altieri, M. A., Flora,
C., and Poincelot, R. (2003)
Agroecology: The Ecology of Food Systems. Journal of
Sustainable Agriculture 22 (3), 99-118
Gliessman, S. (2011)
Transforming Food Systems to Sustainability with
Agroecology. Journal of Sustainable Agriculture 35 (8), 823-825
Goulet, F., Magda, D., Girard, N., and Hernandez, V.
(2012)
"L'agroécologie
en Argentine et en France. Regards croisés," Sociologies et environnement
L'Harmattan, Paris. 251 pp
Deverre, C.,
and de Sainte Marie, C. (2008)
L’écologisation
de la politique agricole européenne. Verdissement ou refondation des systèmes
agro-alimentaires ? Revue d’Etudes en Agriculture et Environnement 89 (4),
83-104
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Biologie et
biotechnologies
L’inclusion des
biotechnologies dans l’agroécologie est récente et reste encore controversée. En effet, pour certains, elles permettent
de renforcer l'innovation dans les pratiques agroécologiques, pour d'autres,
elles dévoient l'agroécologie de ses principes fondateurs. Cette approche
biotechnologique dérive de la « révolution doublement verte » développée
par Gordon Conway à la fin des années 90, qui montre les possibilités ouvertes
par les biotechnologies (biologie moléculaire et cellulaire, génétique etc.)
tout en reconnaissant l’importance de l’écologie (Conway, 1997 ; Conway &
Barbier, 2013). Elle a été reprise dans "l’intensification
écologique" (que nous reverrons dans la vidéo de Michel Griffon, dans la
suite de cette séquence).
Ces approches
associent « l’utilisation amplifiée et intégrée de fonctionnalités naturelles
des écosystèmes », caractéristique de l’agroécologie, à l’utilisation des
biotechnologies sous deux angles : « l’équilibre entre la gestion optimisée des
écosystèmes agricoles et le recours à des améliorations génétiques des plantes
et des animaux » et « la bio-inspiration, c’est à dire l’utilisation de
phénomènes naturels comme source d’inspiration pour créer des procédés nouveaux
» (Griffon, 2013). On retrouve ici une thématique récurrente de l’agroécologie
qui est de s’inspirer de la nature pour concevoir des systèmes techniques ou
des biotechnologies.
Cette approche ne
se limite pas aux biotechnologies mais intègre également d'autres technologies
comme l'agriculture de précision (par exemple : un robot
désherbeur qui repère et détruit les adventices mécaniquement, sans
herbicide) ou les technologies de l'information et de la communication - TIC (par
exemple : une application smartphone permettant de reconnaître une
plante et de connaître les services qu'elle peut fournir dans
l'agro-écosystème).
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Pour aller plus
loin
•
Document Cirad « La nature comme modèle »
• Article « La notion d’intensification écologique et son succès auprès d'un certain monde agricole français : une radiographie critique ». Frédéric Goulet
• Article « La notion d’intensification écologique et son succès auprès d'un certain monde agricole français : une radiographie critique ». Frédéric Goulet
L’agroécologie,
une approche scientifique interdisciplinaire
L'agroécologie
s'est donc construite à partir des apports de différentes disciplines
scientifiques pour constituer une réelle approche interdisciplinaire.
« En tant qu’approche
scientifique interdisciplinaire, l’agroécologie a une fonction critique : elle
procède d’une remise en question du modèle agronomique dominant basé sur
l’utilisation intensive d’intrants externes à l’agroécosystème (Tilman,
Cassman et al., 2002). Elle procède également de façon réciproque d’une remise
en question du modèle écologique dominant de conservation de la nature qui
prône une gestion dissociée – land spare – de la gestion de la
biodiversité et de la production alimentaire plutôt qu’une gestion intégrée des
deux fonctions - land share - (Perfecto et Vandermeer, 2010). Dans le cadre
de cette double critique, la fonction d’agriculteur et de gestionnaire du
territoire s’élargit à la gestion de la biodiversité et des paysages. Cela
nécessite donc, par la force des choses, une approche scientifique
interdisciplinaire (Dalgaard, Hutching et al., 2003) de l’agronomie à la
sociologie et une réorientation de l’économie dans un contexte écosystémique. »
Extrait de : Stassart, P. M., Baret, P., Grégoire,
J.-C., Hance, T., Mormont, M., Reheul, D., Stilmant, D., Vanloqueren, G., and
Visser, M. (2013). L’agroécologie : trajectoire et potentiel pour une
transition vers des systèmes alimentaires durables. In "Agroécologie entre
pratiques et sciences sociales" (D. Van Dam, J. Nizet, M. Streith and P.
M. Stassart, eds.), Educagri édition, Dijon.
Les deux
logiques de l'agroécologie
Cette synthèse
rapide montre que le principe de l’agroécologie – valoriser les processus
écologiques dans les agrosystèmes – peut se mettre en œuvre selon deux
approches différentes (le haut et le bas de la Figure) :
- Accroître la biodiversité dans les
agro-écosystèmes pour amplifier et contrôler certains processus
écologiques. Cela
peut se faire en diminuant les perturbations (par exemple : ne plus
travailler le sol) ou en augmentant la biodiversité cultivée (par exemple
: introduire des plantes de service, sur la parcelle ou autour). Cela
conduit souvent à des systèmes techniques en rupture : un
fonctionnement de l’agrosystème très différent, une gestion qui requiert
des apprentissages spécifiques, un changement de régime de production des
connaissances, une conduite adaptative (Jackson et al., 2010).
- Créer des biotechnologies inspirées
par les processus écologiques de manière à les amplifier. Cela peut se faire en modifiant les
organismes porteurs de ces processus (par exemple : des champignons plus
efficaces pour la mychorhization) ou en agissant directement sur le
processus (par exemple : des bio-stimulants des défenses naturelles des
plantes). Cette approche ne conduit généralement pas à des
ruptures dans la manière de gérer l’agrosystème car elles
s'insèrent dans les logiques actuelles sans les remettre en
cause (l’agriculteur active les processus écologiques par des
techniques classiques).
Ces deux
approches, dont les pratiques correspondantes ne sont pas nécessairement
incompatibles, peuvent être vues comme opposées, clivantes, ou au contraire
comme complémentaires.
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On peut faire le
parallèle avec les scénarios Adapting
mosaic et TechnoGarden
proposés dans le cadre du Millenium
Ecosystem Assesment. Les deux scénarios renvoient à une gestion proactive
des écosystèmes mais le premier fonde le développement sur des adaptations
locales des socio-écosystèmes alors que le second le fonde sur un développement
global de biotechnologies. Ces deux approches portent une dimension politique
et peuvent conduire à des clivages entre ceux qui plaident pour préserver les
diversités (des agro-écosystèmes, des connaissances, des pratiques) qui sont
garantes des équilibres écologiques qui nous font vivre et de la production de
richesse à terme, et ceux qui estiment que les innovations biotechnologiques nous
permettront de faire face aux enjeux actuels.
Adapting mosaic
Suivant ce
scénario, les Écosystèmes à l’échelle des bassins versants régionaux sont le
centre d’intérêt de l'activité politique et économique. Les institutions
locales sont renforcées et les stratégies de gestion locale des écosystèmes
sont courantes; les sociétés développent une approche fortement proactive à la
gestion des écosystèmes. Les taux de croissance économiques sont quelque peu
bas au départ mais augmentent avec le temps
TechnoGarden
Ce scénario
représente un monde inter-connecté à l’échelle globale et s’appuyant fortement
sur les technologies bien au point dans le domaine environnemental, faisant
usage d’écosystèmes parfaitement gérés, et souvent créés conceptuellement pour
la délivrance de services d’origine écosystémique, et adoptant une approche
proactive à la gestion des écosystèmes dans un effort de prévention des
problèmes.
Pour aller plus
loin
Ces deux voies
renvoient également à ce que M. Duru appelle la modernisation écologique faible
ou forte de l’agriculture.
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3. Les pratiques
agroécologiques
Les pratiques
agroécologiques
Si l’agroécologie
s’est construite à l’interface de plusieurs disciplines scientifiques, elle
s’ancre également dans des pratiques agricoles qui se sont développées autour
d'une recherche d'autonomie (renforcer les régulations internes du
système pour être moins dépendant de l'extérieur) grâce aux leviers fournis
par la biodiversité. Ces pratiques agroécologiques cherchent ainsi à
maintenir ou à restaurer la fertilité des sols en postulant que c’est la base
de toute société humaine durable. Elles se veulent productives, autonomes et
adaptables en utilisant les ressources humaines et naturelles locales.
Selon Altieri
(1995), le développement de pratiques agroécologiques se fonde sur la mise
en œuvre de 5 principes d’action :
- Permettre le recyclage de la
biomasse, optimiser la disponibilité de nutriments et équilibrer le
flot de nutriments.
- Garantir les conditions de sol
favorables à la croissance des plantes, en gérant en particulier la
matière organique et en améliorant l'activité biotique du sol. Ceci
suppose, au regard de la rareté des ressources pétrolières, une réduction
drastique de l'usage d'intrants externes produits de la chimie de synthèse
(engrais, pesticides et pétrole).
- Minimiser les pertes de ressources
liées aux flux des radiations solaires, de l'air et du sol par le biais de
la gestion microclimatique, la collecte d'eau, la gestion du sol à
travers l'accroissement de la couverture du sol et le jeu des
complémentarités territoriales entre différentes orientations
technico-économiques (notamment élevage-culture).
- Favoriser la diversification
génétique et d'espèces de l'agroécosystème dans l'espace et le temps.
- Permettre les interactions et les
synergies biologiques bénéfiques entre les composantes de
l'agrobiodiversité de manière à promouvoir les processus et services
écologiques clefs.
Altieri, M. A. (1995)
"Agroecology: the science of sustainable
agriculture," Westview Press, Boulder, Colorado. 433 pp
D’autres principes
ont été ensuite rajoutés par différents auteurs (voir l’article de Stassart et al.) sur le plan
méthodologique (valoriser l’agro-biodiversité, la variabilité des ressources,
les dispositifs participatifs…) ou socio-économique (créer des capacités
collectives d’adaptation, favoriser l’autonomie, valoriser la diversité des
savoirs…).
Selon Parviz
et al. (2011), la plupart des systèmes agroécologiques présentent cinq
caractéristiques similaires remarquables :
- des niveaux élevés de biodiversité qui jouent un rôle clé dans la
régulation du fonctionnement de l’écosystème et dans la fourniture de
services divers d’une grande importance locale et mondiale ;
- des pratiques et des technologies
ingénieuses de maintien
des paysages, de gestion de la terre et des ressources en eau, et de
conservation que l’on peut utiliser pour améliorer la gestion des
agroécosystèmes ;
- des systèmes agricoles diversifiés qui contribuent à l’alimentation
locale et nationale, à la sécurité alimentaire et des moyens de
subsistance ;
- des agroécosystèmes qui font preuve de
résilience et de robustesse pour affronter les troubles et les
changements (humains et environnementaux), réduisant ainsi les risques dus
aux fortes variations ;
- des agroécosystèmes alimentés par les
connaissances traditionnelles, les innovations et les technologies des
agriculteurs ;
- un environnement socioculturel
réglementé par des valeurs culturelles fortes et des formes collectives
d’organisation sociale. Il inclut des institutions coutumières pour la
gestion de l’agroécologie, des accords réglementaires pour l’accès aux
ressources et au partage des bénéfices, des systèmes de valeurs, de rites,
etc.
Ces huit exemples
de mise en œuvre des principes d’action de l’agroécologie montrent, sans être
exhaustifs, que plusieurs stratégies peuvent être mises en œuvre pour :
- Recycler la biomasse et les nutriments
Dans certains cas (BRF, agriculture de conservation), on valorise une biomasse disponible dans les résidus de culture ou les taillis environnant, que l’on épand la surface du sol pour constituer une litière qui, en se décomposant, va fournir des nutriments. Dans d’autres cas (Canard, Polyculture-élevage), le recyclage de la biomasse passe par une meilleure combinaison des cultures et de l’élevage à l’échelle de la ferme. Dans d’autres cas enfin (Jardin créole, Oasis, Agroforesterie), le recyclage des éléments se fait à travers l’exploration des horizons profonds du sol par les racines des arbres, qui descendent plus loin que celles des cultures (nous y reviendrons dans la séquence 3 – Agroforeterie). Bien sûr, ces trois stratégies peuvent se combiner : dans le document sur le Jardin créole par exemple, il est noté que l’élevage peut se combiner aux cultures et on peut y épandre de la biomasse à la surface du sol… Nous avons simplifié l’exercice en vous demandant de choisir l’action principale pour les différents principes d’action. Dans la réalité on combine souvent plusieurs actions. - Gérer la matière organique et
l’activité biologique du sol
Il faut pour cela trouver une source de matières organiques qui peut être des déjections animales (Canard, Jardin créole, Polyculture-élevage), du compost (Oasis) ou de la biomasse fraîche (BRF, Agroforesterie). Cela permet d’augmenter l’activité biologique en fournissant de la nourriture aux organismes du sol. Une autre façon d’accroître l’activité biologique est de préserver l’habitat de ces organismes en diminuant ou en arrêtant le travail du sol (agriculture de conservation). - Minimiser les pertes de ressources
Souvent, les pratiques agroécologiques cherchent à minimiser les pertes de plusieurs ressources en même temps mais celles qui orientent le plus les pratiques dans ces exemples sont l’eau, avec des pratiques d’irrigation économes (Oasis), la lumière, avec un agencement optimisé des plantes (Jardin créole, Agroforesterie) et le sol, à travers une réduction des risques d’érosion (BRF, Agriculture de conservation). - Favoriser la biodiversité
Dans certains cas, on cherche à augmenter la biodiversité cultivée en associant des cultures dans des prairies (Polyculture-élevage) ou dans des champs (Agriculture de conservation). Dans d’autres cas, on va associer arbres et cultures ce qui entraine une diversité de productions sur une même parcelle (Jardin créole, Oasis, Agroforesterie). Dans d’autres cas enfin, l’accroissement de biodiversité se fait en élevant (Canard, Lutte biologique) ou en attirant avec un habitat approprié (Lutte biologique, BRF) des organismes utiles. - Valoriser les synergies biologiques
bénéfiques
Là aussi, cet exercice est simplificateur car on valorise souvent plusieurs synergies biologiques en même temps. Toutefois, on peut dire que ce qui est central dans les exemples présentés est de valoriser des réseaux trophiques (Canard, Lutte biologique), de combiner les niches écologiques (Jardin créole, Oasis, Agroforesterie) ou de valoriser les complémentarités fonctionnelles (Polyculture-élevage, BRF, Agriculture de conservation).
Conclusion des
différentes approches agroécologiques
Pour conclure
cette séquence, voici trois petites vidéo qui illustrent la diversité
et la richesse des approches de l'agroécologie. La première présente le
point de vue d'un scientifique (Jean-Philippe Deguine, chercheur au
CIRAD), la deuxième d'un homme politique (Stéphane Le Foll, ministre français
de l'agriculture) et la troisième d'un leader d'un mouvement social (Pierre
Rabhi de l'association 'Terre et humanisme'). Ces vidéos montrent qu'au delà
de la diversité des approches, ce qui compte avant tout c'est le sens que l'on
donne à nos actions, nos finalités, les valeurs que l'on défend.
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vidéo : Haute définition (720p) / Standard (512p) / Smartphone (320p)
« Cette
logique, ce raisonnement agroécologique, en fait, il ne représente rien d'autre
qu'une première marche vers une agriculture durable, vraiment durable,
c'est-à-dire rentable pour l'agriculteur, socialement équitable, respectueuse
de l'environnement et respectueuse pour la santé. »
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