Les différentes approches de l'Agroécologie






1. Introduction : définitions de l'Agroécologie


Les trois dimensions de l'agroécologie

L’agroécologie recouvre une grande diversité d’approches, de définitions, de manières de mettre en œuvre ses principes. Pour y voir plus clair, Alexander Wezel, dans un ouvrage paru en 2009, propose de distinguer trois dimensions dans l'agroécologie : discipline scientifique, mouvements sociaux et politiques, ensemble de pratiques 



Nous avons vu dans la séquence précédente comment l’émergence de l’agroécologie s’est opérée à travers des dynamiques sociales et politiques, des déplacements de postures et de points de vue.

Dans cette séquence, nous approfondirons les deux autres dimensions : les approches scientifiques de l’agroécologie et les pratiques agroécologiques. Mais préalablement, nous analyserons quelques définitions de l’agroécologie.


Définitions de l'agroécologie

Il n’existe pas une seule manière de définir et de travailler sur l’agroécologie. Les différentes définitions de l’agroécologie révèlent différents points de vue mais aussi une évolution de ce concept dans le temps.

A partir d’une volonté d’intégrer les principes de l’écologie à la redéfinition de l’agronomie, la définition de l'agroécologie s’est progressivement élargie à l’étude des systèmes alimentaires puis aux rapports entre production alimentaire et société au sens plus large.

Dans les deux videos qui suivent, Alexander Wezel (ISARA - Lyon) présente cette diversité de définitions. Nous approfondirons ensuite l'évolution de ces définitions au cours du temps.


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Des définitions qui évoluent


Les définitions de l'agroécologie ont évolué en fonction du point de vue des auteurs, de l'évolution des disciplines scientifiques et des enjeux sociétaux. Les définitions suivantes sont présentées dans un ordre chronologique. Analysez-les en repérant les évolutions en termes de connaissances mobilisées, d'échelles d'étude, de finalités.
Un exercice permettra ensuite de vérifier vos connaissances.

Qu'est-ce que l'agroécologie ?

D'une gestion alternative de l'agro-écosystème...

Selon Miguel A. Altieri (1989) : "Une approche scientifique utilisée pour étudier, diagnostiquer et proposer un mode de gestion alternatif de l'agro-écosystème avec de faibles intrants"

Selon Miguel A. Altieri (1995) : "Une discipline qui définit, sur les principes de base de l'écologie, comment étudier, concevoir et gérer des agro-systèmes qui à la fois, sont productifs, conservent les ressources naturelles, sont en cohérence avec la culture locale, sont socialement justes et sont économiquement viables."

Selon Stephen R. Gliessman (1998) : "L'application de concepts et principes écologiques pour concevoir et gérer des agro-écosystèmes durables."

Selon Miguel A. Altieri (2001) : « L’étude holistique des agro-écosystèmes, intégrants les composantes environnementales et humaines (...). Un champ cultivé est vu comme un système complexe, dans lequel les processus écologiques se déroulent, comme dans les écosystèmes naturels : cycle des nutriments, relations proies – prédateurs, compétition, symbiose, etc. »

... à la prise en compte du système alimentaire... 

Selon Tommy Dalgaard et al. (2003) : "Une discipline intégrée qui prend en considération des connaissances de l'agronomie, l'écologie, la sociologie et l'économie."

Selon Charles Francis et al. (2003) : "L'étude intégrée de l'écologie du système alimentaire, prenant en compte les dimensions écologique, économique et sociale."

Selon Stephen R. Gliessman (2007) : "La science de l'application de concepts et principes de l'écologie pour la conception et la gestion des systèmes alimentaires durables."

... et des différents acteurs et formes de l'agroécologie

Selon Olivier de Schutter (2010)  : « Les approches agroécologiques suivent le principe de l’agroécologie, qui est une application de la science écologique à l’étude, la conception et la gestion d’agro-écosystèmes durables. L’agriculture biologique, l’agriculture de conservation, l’agroforesterie, la lutte biologique, les cultures associées et la gestion mixte culture-élevage sont tous associés à l’agroécologie. L’agroécologie comprend l’observation des systèmes traditionnels, l’utilisation de savoirs locaux de gestion des agro-écosystèmes, mais aussi la science moderne. Elle ne s’oppose pas à la technologie. La fertilité des agro-écosystèmes et la gestion phytosanitaire y sont essentiellement fournies par les interactions appropriées dans l’écosystème plutôt que par l’utilisation d’intrants externes tels que les pesticides et les fertilisants chimiques. »


LA VISION D'OLIVIER DE SCHUTTER

Ancien rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation à l'ONU, Olivier de Schutter présente sa définition de l'agroécologie lors d'une conférence à l'Institut des Régions Chaudes (Montpellier SupAgro) : 


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Pour aller plus loin



2. Les approches scientifiques de l'Agroécologie


Introduction

A ses origines, l’agroécologie désignait l’utilisation des méthodes et concepts de l’écologie en agriculture.
Cette approche est toujours très présente, parfois de manière radicale, comme Jacob Weiner par exemple, qui, dans un ouvrage de 2003, propose que l’écologie soit la science de l’agriculture au 21ème siècle. L’écologie et l’agronomie n’auraient pas noué de liens suffisamment féconds et les interactions se feraient plus sur le mode conflictuel que coopératif (nous y reviendrons dans l'analyse du texte de Chevassus-au-Louis, 2006).

En effet, pendant longtemps, pour l’écologie, les écosystèmes cultivés ont manqué d’intérêt : leur biodiversité est faible et "banale", les perturbations fréquentes auxquelles ils sont soumis via les techniques culturales déstabilisent les dynamiques écologiques et les amènent loin de l’équilibre. Quant à l’agronomie, elle a longtemps considéré que les approches écologiques manquaient d’efficience et d’opérationnalité et ne savaient pas prendre en compte la place de l’agriculteur dans l’agro-écosystème. Certes des ponts existaient, par exemple en ingénierie écologique ou en agronomie des paysages, mais les liens restaient ténus.

Les évolutions du contexte et des enjeux ont changé la donne : s’il faut mobiliser les processus écologiques pour produire plus et mieux avec moins, alors il est nécessaire de rapprocher ces deux disciplines. Chacune d’elle s’est déplacée : l’agronomie a mis le projecteur sur les régulations biologiques dans les agrosystèmes, l’écologie s’est plus intéressée aux systèmes gérés par des agriculteurs.

Avant d'analyser ces déplacements, revenons rapidement sur les enjeux avec une vidéo.


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Agronomie

L'agronomie est une science pour l'action, fondée sur l'observation et la connaissance des systèmes agricoles et sur la mise en œuvre de démarches pour gérer leur gestion. L'approche scientifique de l'agronomie se développe au 19ème siècle, grâce notamment aux progrès de la chimie et à la démonstration que les plantes peuvent s'alimenter uniquement à partir d'éléments minéraux. Cela a ouvert la voie à la construction de connaissances agronomiques pour (1) mieux comprendre comment les plantes et les animaux valorisent les ressources du milieu et (2) gérer la production grâce à plusieurs leviers : l'usage d'intrants (engrais puis produits phytosanitaires pour les végétaux), la mécanisation et le progrès génétique.

A la fin du 20ème siècle, l'agronomie a développé une approche systémique en intégrant l'analyse des interactions entre les différentes composantes de l'agrosystème pour évaluer les performances et concevoir des systèmes techniques optimisant les complémentarités et valorisant les synergies entre ces composantes, à différentes échelles : la parcelle cultivée, la ferme, le territoire...

Les concepts et démarches de l'agronomie systémique sont largement utilisés en agroécologie pour "étudier, diagnostiquer et proposer un mode de gestion alternatif de l'agro-écosystème" (Altieri, 1989). Toutefois, pour l'agronome, concevoir des systèmes techniques qui s’appuient sur les fonctionnalités écologiques de l’agrosystème change la perspective. En effet, il ne s’agit plus de lever les facteurs limitant la production grâce aux intrants mais d’activer des processus écologiques pour en faire des facteurs de production (et fournir des services écosystémiques). On peut parler d'un changement de paradigme.

L’agroécologie bouscule ainsi l’agronomie en l’invitant à développer de nouvelles démarches scientifiques, à s’intéresser plus à certains objets de recherche comme par exemple la composante biologique de l’agrosystème ou à construire de nouvelles manières de faire de la recherche. Cela s’inscrit dans une réflexion plus large sur la nécessité de refonder la recherche agronomique.

Pour approfondir ce point, nous vous proposons de lire la communication de Bernard Chevassus-au-Louis (2006) : "Refonder la recherche agronomique : leçons du passé, enjeux du siècle". A partir d'une analyse historique des manières de considérer l'innovation et de la construction de l'agronomie, l'auteur propose deux voies pour aller vers ce qu'il appelle une agronomie intégrale : "socialiser l'agronomie" et "construire la triple alliance entre agronomie, sciences sociales et écologie". Une proposition qui entre en résonnance avec l'agroécologie. Vous pouvez bien sûr lire le texte en entier mais pour vous permettre une lecture plus rapide (environ 10 mn), nous avons sélectionné des passages essentiels surlignés en jaune, au début et à la fin du texte.


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Pour aller plus loin



Pourquoi l’écologie dans l’agroécologie ?


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Différents concepts d’écologie  qui peuvent être mobilisé pour l’agroécologie


Le concept des filtres environnementaux


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Le concept des traits fonctionnels : Application pour l’enherbement des cultures pérennes


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Les concepts des réseaux trophiques, niche, allelopathie : Application pour la lutte contre les ravageurs de culture


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Appliquer les concepts d’écologie pour des systèmes innovants : Le cas du semis direct


Les schémas ont été réalisés à l'aide d'une iconographie créée par O. Husson, CIRAD/UPR AIDA et issue du Manuel pratique du semis direct à Madagascar (en accès libre sur la librairie virtuelle sur l'agroécologie)

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Sciences économiques et sociales

L’inclusion des sciences économiques et sociales dans l’agroécologie n’est pas nouvelle. Elles sont présentes dès les années 80 dans les écrits fondateurs de l’agroécologie, considérée par les auteurs comme une alternative au modèle dominant d’agriculture industrielle (Altieri, 1987 ; Gliessman, 1990 ; Altieri, 1995). Menant leurs recherches sur des systèmes en agriculture biologique, agroforesterie etc., ils montrent l’importance de combiner des savoirs paysans et des connaissances écologiques pour concevoir et conduire des systèmes techniques valorisant la biodiversité cultivée. On observe un élargissement des échelles d’analyse : partant des processus écologiques à l’échelle de la parcelle et de l’agro-écosystème, l’agroécologie intègre progressivement l’écologie du système alimentaire (Francis et al., 2003) et sa transformation (Gliessman, 2011), considérant que l'agroécologie ne peut se développer sans la mobilisation de mouvements citoyens. Les sciences sociales analysent les mouvements alternatifs se réclamant de pratiques ou de mouvements agroécologiques (Goulet et al., 2012) ainsi que l’écologisation des politiques publiques (Deverre & de Sainte Marie, 2008).


Altieri, M. A. (1987)

"Agroecology. The scientific basis of alternative agriculture". Westview Press 227 pp


Altieri, M. A. (1995)

"Agroecology: the science of sustainable agriculture," Westview Press, Boulder, Colorado. 433 pp


Gliessman, S. R. (1990)

"Agroecology: researching the ecological basis for sustainable agriculture," Ecological studies Springer-Verlag, New-York (USA). 380 pp


Francis, C., Lieblein, G., Gliessman, S., Breland, T. A., Creamer, N., Harwood, R., Salomonsson, L., Helenius, J., Rickerl, D., Salvador, R., Wiedenhoeft, M., Simmons, S., Allen, P., Altieri, M. A., Flora, C., and Poincelot, R. (2003)

Agroecology: The Ecology of Food Systems. Journal of Sustainable Agriculture 22 (3), 99-118


Gliessman, S. (2011)

Transforming Food Systems to Sustainability with Agroecology. Journal of Sustainable Agriculture 35 (8), 823-825


Goulet, F., Magda, D., Girard, N., and Hernandez, V. (2012)

"L'agroécologie en Argentine et en France. Regards croisés," Sociologies et environnement L'Harmattan, Paris. 251 pp


Deverre, C., and de Sainte Marie, C. (2008)

L’écologisation de la politique agricole européenne. Verdissement ou refondation des systèmes agro-alimentaires ? Revue d’Etudes en Agriculture et Environnement 89 (4), 83-104



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Biologie et biotechnologies

L’inclusion des biotechnologies dans l’agroécologie est récente et reste encore controversée. En effet, pour certains, elles permettent de renforcer l'innovation dans les pratiques agroécologiques, pour d'autres, elles dévoient l'agroécologie de ses principes fondateurs. Cette approche biotechnologique dérive de la « révolution doublement verte » développée par Gordon Conway à la fin des années 90, qui montre les possibilités ouvertes par les biotechnologies (biologie moléculaire et cellulaire, génétique etc.) tout en reconnaissant l’importance de l’écologie (Conway, 1997 ; Conway & Barbier, 2013). Elle a été reprise dans "l’intensification écologique" (que nous reverrons dans la vidéo de Michel Griffon, dans la suite de cette séquence).

Ces approches associent « l’utilisation amplifiée et intégrée de fonctionnalités naturelles des écosystèmes », caractéristique de l’agroécologie,  à l’utilisation des biotechnologies sous deux angles : « l’équilibre entre la gestion optimisée des écosystèmes agricoles et le recours à des améliorations génétiques des plantes et des animaux » et « la bio-inspiration, c’est à dire l’utilisation de phénomènes naturels comme source d’inspiration pour créer des procédés nouveaux » (Griffon, 2013). On retrouve ici une thématique récurrente de l’agroécologie qui est de s’inspirer de la nature pour concevoir des systèmes techniques ou des biotechnologies.

Cette approche ne se limite pas aux biotechnologies mais intègre également d'autres technologies comme l'agriculture de précision (par exemple : un robot désherbeur qui repère et détruit les adventices mécaniquement, sans herbicide) ou les technologies de l'information et de la communication - TIC (par exemple : une application smartphone permettant de reconnaître une plante et de connaître les services qu'elle peut fournir dans l'agro-écosystème).


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Pour aller plus loin



L’agroécologie, une approche scientifique interdisciplinaire

L'agroécologie s'est donc construite à partir des apports de différentes disciplines scientifiques pour constituer une réelle approche interdisciplinaire. 



« En tant qu’approche scientifique interdisciplinaire, l’agroécologie a une fonction critique : elle procède d’une remise en question du modèle agronomique dominant basé sur l’utilisation intensive d’intrants externes à l’agroécosystème (Tilman, Cassman et al., 2002). Elle procède également de façon réciproque d’une remise en question du modèle écologique dominant de conservation de la nature qui prône une gestion dissociée – land spare – de la gestion de la biodiversité et de la production alimentaire plutôt qu’une gestion intégrée des deux fonctions - land share - (Perfecto et Vandermeer, 2010). Dans le cadre de cette double critique, la fonction d’agriculteur et de gestionnaire du territoire s’élargit à la gestion de la biodiversité et des paysages. Cela nécessite donc, par la force des choses, une approche scientifique interdisciplinaire (Dalgaard, Hutching et al., 2003) de l’agronomie à la sociologie et une réorientation de l’économie dans un contexte écosystémique. »

Extrait de : Stassart, P. M., Baret, P., Grégoire, J.-C., Hance, T., Mormont, M., Reheul, D., Stilmant, D., Vanloqueren, G., and Visser, M. (2013). L’agroécologie : trajectoire et potentiel pour une transition vers des systèmes alimentaires durables. In "Agroécologie entre pratiques et sciences sociales" (D. Van Dam, J. Nizet, M. Streith and P. M. Stassart, eds.), Educagri édition, Dijon.


Les deux logiques de l'agroécologie

Cette synthèse rapide montre que le principe de l’agroécologie – valoriser les processus écologiques dans les agrosystèmes – peut se mettre en œuvre selon deux approches différentes (le haut et le bas de la Figure) :



  1. Accroître la biodiversité dans les agro-écosystèmes pour amplifier et contrôler certains processus écologiques. Cela peut se faire en diminuant les perturbations (par exemple : ne plus travailler le sol) ou en augmentant la biodiversité cultivée (par exemple : introduire des plantes de service, sur la parcelle ou autour). Cela conduit souvent à des systèmes techniques en rupture : un fonctionnement de l’agrosystème très différent, une gestion qui requiert des apprentissages spécifiques, un changement de régime de production des connaissances, une conduite adaptative (Jackson et al., 2010).
  2. Créer des biotechnologies inspirées par les processus écologiques de manière à les amplifier. Cela peut se faire en modifiant les organismes porteurs de ces processus (par exemple : des champignons plus efficaces pour la mychorhization) ou en agissant directement sur le processus (par exemple : des bio-stimulants des défenses naturelles des plantes). Cette approche ne conduit généralement pas à des ruptures dans la manière de gérer l’agrosystème car elles s'insèrent dans les logiques actuelles sans les remettre en cause (l’agriculteur active les processus écologiques par des techniques classiques).


Ces deux approches, dont les pratiques correspondantes ne sont pas nécessairement incompatibles, peuvent être vues comme opposées, clivantes, ou au contraire comme complémentaires. 


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On peut faire le parallèle avec les scénarios Adapting mosaic et TechnoGarden proposés dans le cadre du Millenium Ecosystem Assesment. Les deux scénarios renvoient à une gestion proactive des écosystèmes mais le premier fonde le développement sur des adaptations locales des socio-écosystèmes alors que le second le fonde sur un développement global de biotechnologies. Ces deux approches portent une dimension politique et peuvent conduire à des clivages entre ceux qui plaident pour préserver les diversités (des agro-écosystèmes, des connaissances, des pratiques) qui sont garantes des équilibres écologiques qui nous font vivre et de la production de richesse à terme, et ceux qui estiment que les innovations biotechnologiques nous permettront de faire face aux enjeux actuels.


Adapting mosaic

Suivant ce scénario, les Écosystèmes à l’échelle des bassins versants régionaux sont le centre d’intérêt de l'activité politique et économique. Les institutions locales sont renforcées et les stratégies de gestion locale des écosystèmes sont courantes; les sociétés développent une approche fortement proactive à la gestion des écosystèmes. Les taux de croissance économiques sont quelque peu bas au départ mais augmentent avec le temps


TechnoGarden

Ce scénario représente un monde inter-connecté à l’échelle globale et s’appuyant fortement sur les technologies bien au point dans le domaine environnemental, faisant usage d’écosystèmes parfaitement gérés, et souvent créés conceptuellement pour la délivrance de services d’origine écosystémique, et adoptant une approche proactive à la gestion des écosystèmes dans un effort de prévention des problèmes.

Pour aller plus loin

Ces deux voies renvoient également à ce que M. Duru appelle la modernisation écologique faible ou forte de l’agriculture.



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3. Les pratiques agroécologiques


Les pratiques agroécologiques

Si l’agroécologie s’est construite à l’interface de plusieurs disciplines scientifiques, elle s’ancre également dans des pratiques agricoles qui se sont développées autour d'une recherche d'autonomie (renforcer les régulations internes du système pour être moins dépendant de l'extérieur) grâce aux leviers fournis par la biodiversité. Ces pratiques agroécologiques cherchent ainsi à maintenir ou à restaurer la fertilité des sols en postulant que c’est la base de toute société humaine durable. Elles se veulent productives, autonomes et adaptables en utilisant les ressources humaines et naturelles locales.

Selon Altieri (1995), le développement de pratiques agroécologiques se fonde sur la mise en œuvre de 5 principes d’action  :

  1. Permettre le recyclage de la biomasse, optimiser la disponibilité de nutriments et équilibrer le flot de nutriments.
  2. Garantir les conditions de sol favorables à la croissance des plantes, en gérant en particulier la matière organique et en améliorant l'activité biotique du sol. Ceci suppose, au regard de la rareté des ressources pétrolières, une réduction drastique de l'usage d'intrants externes produits de la chimie de synthèse (engrais, pesticides et pétrole).
  3. Minimiser les pertes de ressources liées aux flux des radiations solaires, de l'air et du sol par le biais de la gestion microclimatique, la collecte d'eau, la gestion du sol à travers l'accroissement de la couverture du sol et le jeu des complémentarités territoriales entre différentes orientations technico-économiques (notamment élevage-culture).
  4. Favoriser la diversification génétique et d'espèces de l'agroécosystème dans l'espace et le temps.
  5. Permettre les interactions et les synergies biologiques bénéfiques entre les composantes de l'agrobiodiversité de manière à promouvoir les processus et services écologiques clefs.


Altieri, M. A. (1995)

"Agroecology: the science of sustainable agriculture," Westview Press, Boulder, Colorado. 433 pp

D’autres principes ont été ensuite rajoutés par différents auteurs (voir l’article de Stassart et al.) sur le plan méthodologique (valoriser l’agro-biodiversité, la variabilité des ressources, les dispositifs participatifs…) ou socio-économique (créer des capacités collectives d’adaptation, favoriser l’autonomie, valoriser la diversité des savoirs…).

Selon Parviz et al. (2011), la plupart des systèmes agroécologiques présentent cinq caractéristiques similaires remarquables :

  • des niveaux élevés de biodiversité qui jouent un rôle clé dans la régulation du fonctionnement de l’écosystème et dans la fourniture de services divers d’une grande importance locale et mondiale ;
  • des pratiques et des technologies ingénieuses de maintien des paysages, de gestion de la terre et des ressources en eau, et de conservation que l’on peut utiliser pour améliorer la gestion des agroécosystèmes ;
  • des systèmes agricoles diversifiés qui contribuent à l’alimentation locale et nationale, à la sécurité alimentaire et des moyens de subsistance ;
  • des agroécosystèmes qui font preuve de résilience et de robustesse pour affronter les troubles et les changements (humains et environnementaux), réduisant ainsi les risques dus aux fortes variations ;
  • des agroécosystèmes alimentés par les connaissances traditionnelles, les innovations et les technologies des agriculteurs ;
  • un environnement socioculturel réglementé par des valeurs culturelles fortes et des formes collectives d’organisation sociale. Il inclut des institutions coutumières pour la gestion de l’agroécologie, des accords réglementaires pour l’accès aux ressources et au partage des bénéfices, des systèmes de valeurs, de rites, etc.





Ces huit exemples de mise en œuvre des principes d’action de l’agroécologie montrent, sans être exhaustifs, que plusieurs stratégies peuvent être mises en œuvre pour :

  1. Recycler la biomasse et les nutriments

    Dans certains cas (BRF, agriculture de conservation), on valorise une biomasse disponible dans les résidus de culture ou les taillis environnant, que l’on épand  la surface du sol pour constituer une litière qui, en se décomposant, va fournir des nutriments. Dans d’autres cas (Canard, Polyculture-élevage), le recyclage de la biomasse passe par une meilleure combinaison des cultures et de l’élevage à l’échelle de la ferme. Dans d’autres cas enfin (Jardin créole, Oasis, Agroforesterie), le recyclage des éléments se fait à travers l’exploration des horizons profonds du sol par les racines des arbres, qui descendent plus loin que celles des cultures (nous y reviendrons dans la séquence 3 – Agroforeterie). Bien sûr, ces trois stratégies peuvent se combiner : dans le document sur le Jardin créole par exemple, il est noté que l’élevage peut se combiner aux cultures et on peut y épandre de la biomasse à la surface du sol… Nous avons simplifié l’exercice en vous demandant de choisir l’action principale pour les différents principes d’action. Dans la réalité on combine souvent plusieurs actions.
  2. Gérer la matière organique et l’activité biologique du sol

    Il faut pour cela trouver une source de matières organiques qui peut être des déjections animales (Canard, Jardin créole, Polyculture-élevage), du compost (Oasis) ou de la biomasse fraîche (BRF, Agroforesterie). Cela permet d’augmenter l’activité biologique en fournissant de la nourriture aux organismes du sol. Une autre façon d’accroître l’activité biologique est de préserver l’habitat de ces organismes en diminuant ou en arrêtant le travail du sol (agriculture de conservation).
  3. Minimiser les pertes de ressources

    Souvent, les pratiques agroécologiques cherchent à minimiser les pertes de plusieurs ressources en même temps mais celles qui orientent le plus les pratiques dans ces exemples sont l’eau, avec des pratiques d’irrigation économes (Oasis), la lumière, avec un agencement optimisé des plantes (Jardin créole, Agroforesterie) et le sol, à travers une réduction des risques d’érosion (BRF, Agriculture de conservation).
  4. Favoriser la biodiversité

    Dans certains cas, on cherche à augmenter la biodiversité cultivée en associant des cultures dans des prairies (Polyculture-élevage) ou dans des champs (Agriculture de conservation). Dans d’autres cas, on va associer arbres et cultures ce qui entraine une diversité de productions sur une même parcelle (Jardin créole, Oasis, Agroforesterie). Dans d’autres cas enfin, l’accroissement de biodiversité se fait en élevant (Canard, Lutte biologique) ou en attirant avec un habitat approprié (Lutte biologique, BRF) des organismes utiles.
  5. Valoriser les synergies biologiques bénéfiques

    Là aussi, cet exercice est simplificateur car on valorise souvent plusieurs synergies biologiques en même temps. Toutefois, on peut dire que ce qui est central dans les exemples présentés est de valoriser des réseaux trophiques (Canard, Lutte biologique), de combiner les niches écologiques (Jardin créole, Oasis, Agroforesterie) ou de valoriser les complémentarités fonctionnelles (Polyculture-élevage, BRF, Agriculture de conservation).


Conclusion des différentes approches agroécologiques

Pour conclure cette séquence, voici trois petites vidéo qui illustrent la diversité et la richesse des approches de l'agroécologie. La première présente le point de vue d'un scientifique (Jean-Philippe Deguine, chercheur au CIRAD), la deuxième d'un homme politique (Stéphane Le Foll, ministre français de l'agriculture) et la troisième d'un leader d'un mouvement social (Pierre Rabhi de l'association 'Terre et humanisme'). Ces vidéos montrent qu'au delà de la diversité des approches, ce qui compte avant tout c'est le sens que l'on donne à nos actions, nos finalités, les valeurs que l'on défend.



« Cette logique, ce raisonnement agroécologique, en fait, il ne représente rien d'autre qu'une première marche vers une agriculture durable, vraiment durable, c'est-à-dire rentable pour l'agriculteur, socialement équitable, respectueuse de l'environnement et respectueuse pour la santé. »











Suite : Mettre en oeuvre les principes de l'agroécologie : Le maraîchage ICI

           Mettre en œuvre les principes de l'agroécologie : l'agroforesterie ICI

           Mettre en oeuvre les principes de l'agroécologie : l'élevage ICI


L'émergence de l'Agroécologie ICI

D'autres documents sur l'Agroécologie ICI